Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/747

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de voir que cette fête vint à reprendre une telle vogue, qu’elle ait été continuée sous les empereurs chrétiens ; & que lorsqu’enfin le pape Gélase ne voulut plus la tolérer, l’an 496 de J. C. il se trouva des chrétiens parmi les sénateurs mêmes qui tâcherent de la maintenir, comme il paroît par l’apologie que ce pape écrivit contr’eux, & que Baronius nous a conservée toute entiere au tome VI. de ses œuvres, ad annum 496, n°. 28 & seq.

Je finis par remarquer avec Plutarque, que plusieurs femmes ne se sauvoient point devant les luperques, & que loin de craindre les coups de fouet de leurs courroies, elles s’y exposoient au contraire volontairement, dans l’espérance de devenir fécondes si elles étoient stériles, ou d’accoucher plus heureusement si elles étoient grosses.

Le mot lupercale vient peut être de lupus, un loup, parce qu’on sacrifioit au dieu Pan un chien, ennemi du loup, pour prier ce dieu de garantir les troupeaux contre les loups.

L’usage de quelques jeunes gens qui couroient dans cette fête presque nuds, s’établit, dit-on, en mémoire de ce qu’un jour qu’on célebroit les lupercales, on vint avertir le peuple que quelques voleurs s’étoient jettés sur les troupeaux de la campagne ; à ce récit plusieurs spectateurs se deshabillerent pour courir plus vîte après ces voleurs, eurent le bonheur de les atteindre & de sauver leur bétail.

On peut ici consulter Denys d’Halicarnasse, l. I. Tite-Live, lib. I. cap. v. Plutarque, dans la vie de Romulus, d’Antoine, & dans les questions romaines ; Ovide, fastes, liv. II. Justin, lib. XLIII. Varron, lib. V. Valere-Maxime, Servius sur l’Enéide, lib. VIII. v. 342 & 663. Scaliger, Meursius, Rosinus, Vossius & plusieurs autres. (D. J.)

LUPERQUES, s. m. pl. luperci, (Littér.) prêtres préposés au culte particulier du dieu Pan, & qui célébroient les lupercales. Comme on attribuoit leur institution à Romulus, ces prêtres passoient pour les plus anciens qui ayent été établis à Rome.

Ils étoient divisés en deux communautés, celle des Quintiliens & celle des Fabiens, pour perpétuer, dit-on, la mémoire d’un Quintilius & d’un Fabius, qui avoient été les chefs, l’un du parti de Romulus, & l’autre de celui de Rémus. Cicéron, dans son discours pour Cœlius, traite le corps des luperques de société agreste, formée avant que les hommes fussent humanisés & policés. Cependant César, qui avoit besoin de créatures dans tous les ordres, fit ériger par son crédit & en son honneur, un troisieme college de luperques, auquel il attribua de bons revenus. Cette troisieme communauté fut nommée celle des Juliens, à la gloire du fondateur : c’est ce que nous apprennent Dion, liv. XLIV. & Suétone dans sa vie de César, ch. ixxvj.

Marc Antoine pour flatter son ami, se fit aggréger à ce troisieme collége ; & quoiqu’il fût consul, il se rendit, graissé d’onguens & ceint par le corps d’une peau de brebis, à la place publique, où il monta sur la tribune dans cet ajustement, pour y haranguer le peuple. Cicéron en plein sénat lui reprocha cette indécence, que n’avoit jamais commise avant lui, non seulement aucun consul, mais pas même aucun prêteur, édile ou tribun du peuple. Marc-Antoine tâcha de justifier sa conduite par sa qualité de luperque, mais Cicéron lui répondit que la qualité de consul qu’il avoit alors devoit l’emporter sur celle de luperque, & que personne n’ignoroit que le consulat ne fût une dignité de tout le peuple, dont il falloit conserver par-tout la majesté, sans la deshonorer comme il avoit fait.

Pour ce qui regarde les cérémonies que les luperques devoient observer en sacrifiant, elles étoient sans doute assez singulieres, vu qu’entr’autres cho-

ses il y falloit deux jeunes garçons de famille noble

qui se missent à rire avec éclat lorsque l’un des luperques leur avoit touché le front avec un couteau sanglant, & que l’autre le leur avoit essuyé avec de la laine trempée dans du lait. Voyez là-dessus Plutarque dans la vie de Romulus.

Quant aux raisons pour quoi ces prêtres étoient nuds avec une simple ceinture pendant le service divin, voyez Ovide, qui en rapporte un grand nombre au II. liv. des fastes. Il y en a une plaisante tirée de la méprise de Faunus, c’est à-dire du dieu Pan, amoureux d’Omphale, qui voyageoit avec Hercule. Elle s’amusa le soir à changer d’habit avec le héros ; Faunus, dit Ovide, après avoir fait le récit de cette avanture, prit en horreur les habits qui l’avoient trompé, & voulut que ses prêtres n’en portassent point pendant la cérémonie de son culte. (D. J.)

LUPIÆ, (Géog. anc.) Λουπίας, selon Strabon, lib. VI. p. 282, & Lupia, selon Pline, liv. III. ch. vj. ancienne ville d’Italie dans la Calabre, sur la côte de la mer, entre Brindes & Otrante. C’étoit une colonie romaine : on croit que c’est présentement la Tour de Saint-Catalde.

LUPIN, s. m. lupinus, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur légumineuse ; il sort du calice un pistil, qui devient dans la suite une silique remplie de semences plates dans des especes de ce genre, & rondes dans d’autres. Ajoutez à ces caracteres que les feuilles sont disposées en éventail, ou en main ouverte sur leur pédicule. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Parlons à présent des especes de lupins. M. de Tournefort en compte dix-sept, qui sont toutes agréables par la variété de leurs fleurs & de leurs graines. La plus commune que nous allons décrire, est le lupin cultivé à fleurs blanches, lupinus sativus, flore albo, C. B. P. 347. J. R. H. 392.

Sa racine est ordinairement unique, ligneuse & garnie de plusieurs fibres capillaires. Sa tige est haute d’une coudée ou d’une coudée & demie, médiocrement épaisse, droite, cylindrique, un peu velue, creuse & remplie de moelle. Après que les fleurs placées au sommet de cette tige sont séchées, il s’éleve trois rameaux au-dessous, dont chacun donne assez souvent deux autres rameaux, quelquefois trois de la même maniere, sur-tout lorsque le lupin a été semé dans le tems convenable, & que l’été est chaud.

Ses feuilles sont alternes ou placées sans ordre, portées sur des queues longues de deux ou trois lignes, composées le plus souvent de segmens oblongs, étroits qui naissent de l’extrémité de la queue dans le même point, comme dans la quinte-feuille. On peut les nommer assez bien feuilles en éventails, ou feuilles en main ouverte. Elles sont d’un verd foncé, entieres à leur bord, velues en-dessous, & garnies d’un duvet blanc & comme argenté ; les bords de leurs segmens s’approchent & se resserrent au coucher du soleil, s’inclinent vers la queue & se réfléchissent vers la terre.

Les fleurs sont rangées en épic au sommet des tiges ; elles sont légumineuses, blanches, portées sur des pédicules courts. Il sort de leur calice un pistil, qui se change en une gousse épaisse, large, applatie, longue environ de trois pouces, droite, plus petite que la feve, pulpeuse, jaunâtre, un peu velue en-dehors, lisse en-dedans.

Cette gousse contient cinq ou six graines assez grandes, orbiculaires, un peu anguleuses, applaties. Elles renferment une plantule fort apparente, & sont creusées légerement en nombril du côté qu’elles tiennent à la gousse, blanchâtres en-dehors, jaunâtres en-dedans, & fort ameres.

On seme cette plante dans les pays chauds de la