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tre côté, un fleuve couché & appuyé sur son urne, tient de la droite un roseau, & de la gauche une corne d’abondance, avec la légende ΚΑΡΔΙΑΝΟΝ Β. ΝΕΩΚΟΡΩΝ, & à l’exergue, ΕΡΜΟϹ. L’autre médaille dont parle Haym, a la même tête avec la même légende, & au revers un gouvernail & une corne d’abondance posés l’un sur l’autre en sautoir, avec la légende, ΚΑΡΔΙΑΝΟΝ Β. ΝΕΩΚΟΡΩΝ. Ces deux médailles ont été frappées sous le regne de Septime Severe. Le nom d’ΑϹΚΗΝΟϹ est une épithete du dieu Lunus, à qui les peuples de l’Asie donnoient différens surnoms, comme de ΦΑΡΝΑΚΟΣ dans le Pont, de ΚΑΡΟΣ ou ΚΑΦΗΣ, en Carie, de ΚΑΜΑΡΕΙΤΗΣ à Nysa, d’ΑΡΚΑΙΟΣ en Pisidie, & suivant ces médailles, d’ΑΣΚΗΝΟΣ en Lydie. Haym pense que ce nom est composé d’un Α privatif, & de ΣΚΗΝΗ, tentorium, & qu’il signifie mensis sive Lunus sine tentorio, parce que la lune ne s’arrête jamais, & est toujours en mouvement. Tous ces noms paroissent être des mots barbares, dont il est inutile de rechercher l’étymologie dans la langue grecque. Quoi qu’il en soit, le culte du dieu Lunus étoit établi en Syrie, en Mésopotamie, dans le Pont, & en plusieurs autres provinces de l’Orient. Mém. des Inscript. tome XVIII. p. 135. (D. J.)

Lunus, s. m. (Mythol. Littér. Médaill.) divinité payenne qui n’est autre chose que la lune ; c’est Spartien qui nous l’apprend dans la vie de Caracalla.

Dans plusieurs langues de l’Orient cet astre a un nom masculin, dans d’autres un féminin ; & dans quelques-unes, comme en hébreu, il a deux genres, un masculin & un féminin. Delà vient que plusieurs peuples en ont fait un dieu, d’autres une déesse, & quelques-uns une divinité hermaphrodite.

On peut en voir les preuves en lisant les Recherc. curieus. d’antiq. de M. Spon, car je n’ose adresser mes lecteurs à Saumaise, ils seroient trop effarouchés de l’érudition qu’il a pris plaisir de prodiguer à ce sujet dans ses notes sur Spartien, sur Trebellius Pollion, & sur Vopiscus.

C’est assez pour nous de remarquer que les Egyptiens sont les premiers qui de la même divinité ont fait un dieu & une déesse ; & leur exemple ayant été suivi par les autres nations, une partie des habitans de l’Asie & ceux de la Mésopotamie en particulier, honorerent la lune comme dieu, tandis que les Grecs, qui lui avoient donné place entre les déesses, l’adoroient sous le nom de Diane.

Mais entre les peuples qui mirent la lune au rang des divinités mâles, les habitans de Charres en Mésopotamie ne doivent pas être oubliés ; ils lui rendoient de si grands honneurs, que Caraccalla fit un voyage exprès dans cette ville pour en être témoin.

Les médailles frappées en Carie, en Phrygie, en Pisidie, nous offrent assez souvent le dieu Lunus représenté sous la forme d’un jeune homme, portant sur sa tête un bonnet à l’arménienne, un croissant sur le dos, tenant de la main droite une bride, de la main gauche un flambeau, & ayant un coq à ses piés.

Tristan a eu raison de croire qu’une figure toute semblable qu’il trouva sur une médaille d’Hadrien, devoit être le dieu Lunus ; cet auteur n’a pas toujours aussi bien rencontré. C’est aussi sans doute le dieu Lunus qu’on voit sur une pierre gravée du cabinet du Roi : ce dieu est en habit phrygien, son bonnet, sa tunique, son manteau, sa chaussure, indiquent le pays où son culte a dû prendre naissance ; & le croissant qui est derriere sa tête le caractérise à ne pouvoir pas le méconnoître. Une longue haste sur laquelle il s’appuie, est une marque de sa puissance. Il porte dans sa main une petite montagne, ou parce que c’est derriere les montagnes que le dieu

Lunus disparoît à nos yeux, ou parce que c’est toujours sur les hauteurs que se sont les observations astronomiques. (D. J.)

LUPANNA, (Géogr.) île de la mer Adriatique dans l’état de la petite république de Raguse, proche de l’île de Mezo. Cette petite île a un assez bon port, & elle est très-bien cultivée par les Ragusains. (D. J.)

LUPERCAL, s. m. (Littér.) nom de la grotte où la fable dit que Rémus & Romulus avoient été alaités par une louve. Cette grotte étoit au pié du mont Palatin, près de l’endroit où Evandre, natif d’Arcadie, avoit long-tems auparavant bâti un temple au dieu Pan, & établi les lycées ou les lupercales en son honneur. Ce temple prit ensuite le nom de lupercal, & les luperques instituées par Romulus, continuerent d’y faire leurs sacrifices au même dieu.

LUPERCALES, s. f. pl. lupercalia, (Littér. rom.) fête instituée à Rome en l’honneur de Pan. Elle se célébroit, selon Ovide, le troisieme jour après les ides de Février.

Romulus n’a pas été l’inventeur de cette fête, quoi qu’en dise Valere-Maxime ; ce fut Evandre qui l’établit en Italie, où il se retira soixante ans après la guerre de Troie. Comme Pan étoit la grande divinité de l’Arcadie, Evandre, natif d’Arcadie, fonda la fête des lupercales en l’honneur de cette divinité, dans l’endroit où il bâtit des maisons pour la colonie qu’il avoit menée, c’est-à-dire sur le mont Palatin. Voilà le lieu qu’il choisit pour élever un temple au dieu Pan, ensuite il ordonna une fête solemnelle qui se célébroit par des sacrifices offerts à ce dieu, & par des courses de gens nuds portant des fouets à la main dont ils frappoient par amusement ceux qu’ils rencontroient sur leur route. Nous apprenons ces détails d’un passage curieux de Justin, lib. XLIII. cap j. In hujus (montis Palatini) radicibus templum Lycoeo, quem Græci Pana, Romani Lupercum appellant, constituit Evander. Ipsum dei simulachrum nudum, caprinâ pelle amictum est, quo habitu, nunc Romæ lupercalibus decurritur.

Tout cela se passoit avant que Romulus & Rémus ayent pu songer à la fondation de Rome ; mais comme l’on prétendoit qu’une louve les avoit nourris dans l’endroit même qu’Evandre avoit consacré au dieu Pan, il ne faut pas douter que ce hasard n’ait engagé Romulus à continuer la fête des lupercales, & à la rendre plus célebre.

Evandre avoit tiré cette fête de la Grece avec son indécence grossiere, puisque des bergers nuds couroient lascivement de côté & d’autre, en frappant les spectateurs de leurs fouets. Romulus institua des luperques exprès pour les préposer au culte particulier de Pan ; il les érigea en colléges ; il habilla ces prêtres, & les peaux des victimes immolées leur formoient des ceintures, cincti pellibus immolatarum hostiarum jocantes obviam petiverunt, dit Denys d’Halicarnasse, lib. I. Les luperques devoient donc être vêtus & ceints de peaux de brebis, pour être autorisés, en courant dans les rues, à pouvoir insulter les curieux sur leur passage, ce qui faisoit ce jour là l’amusement du petit peuple.

Cependant la cérémonie des lupercales tombant de mode sur la fin de la république, quoique les deux colléges des luperques subsistassent avec tous leurs biens, & que Jules-César eût crée un troisieme college des mêmes prêtres, Auguste ordonna que les lupercales fussent remises en vigueur, & défendit seulement aux jeunes gens qui n’avoient point encore de barbe, de courir les rues avec les luperques un fouet à la main.

On ne devine point la raison qui put déterminer Auguste à rétablir une fête ridicule, puisqu’elle s’abolissoit d’elle même ; mais il est encore plus étrange