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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/924

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Le monde actuel est le pere de tous ; tout ce qui y est, est mal.

Le monde est éclos d’un œuf.

Il finira par être embrasé ; ce sera l’effet des rayons du soleil.

Il y a de bons & de mauvais esprits issus des hommes.

L’essence & la nature de l’ame humaine ne sont pas différentes de la nature & de l’essence de l’ame des brutes.

Les corps sont les prisons des ames ; elles s’en échappent pour passer en d’autres corps ou prisons.

Les ames émanerent de Dieu : elles existoient en lui ; elles en ont été chassées pour quelque faute qu’elles expient dans les corps.

Un homme après sa mort peut devenir, par des transmigrations successives, animal, pierre ou même diable.

C’est dans d’autres mondes, c’est dans les vieux que l’ame de l’homme sera heureuse après sa mort.

Ce bonheur à venir s’acquérera par la pratique des bonnes œuvres & l’expiation des mauvaises.

Les mauvaises actions s’expient par les pélerinages, les fêtes, les ablutions & les sacrifices.

L’enfer sera le lieu du châtiment des fautes inexpiées : là les méchans seront tourmentés ; mais il y en a peu dont le tourment soit éternel.

Les ames des mortels étant répandues dans toutes les substances vivantes, il ne faut ni tuer un être vivant ni s’en nourrir, sur-tout la vache qui est sainte entre toutes : ses excrémens sont sacrés.

Physique des peuples du Malabare. Il y a cinq élémens ; l’air, l’eau, le feu, la terre & l’agachum, ou l’espace qui est entre notre atmospnere & le ciel.

Il y a trois principes de mort & de corruption, anoubum, maguei & ramium ; ils naissent tous trois de l’union de l’ame & du corps ; anoubum est l’enveloppe de l’ame, ramium la passion, maguei l’imagination.

Les êtres vivans peuvent se ranger sous cinq classes, les végétans, ceux qui vivent, ceux qui veulent, les sages & les heureux.

Il y a trois tempéramens ; le mélancholique, le sanguin, le phlegmatique.

Le mélancholique fait les hommes ou sages, ou modestes, ou durs, ou bons.

Le sanguin fait les hommes ou pénitens, ou tempérans, ou vertueux.

Le phlegmatique fait les hommes ou impurs, ou fourbes, ou méchans, ou menteurs, ou paresseux, ou tristes.

C’est le mouvement du soleil autour d’une grande montagne qui est la cause du jour & de la nuit.

La transmutation des métaux en or est possible.

Il y a des jours heureux & des jours malheureux ; il faut les connoître pour ne rien entreprendre sous de mauvais présages.

Morale des peuples du Malabare. Ce que nous allons en exposer est extrait d’un ouvrage attribué à un bramine célebre appellé Barthrouherri. On dit de ce philosophe que, né d’un pere bramine, il épousa, contre la loi de sa secte, des femmes de toute espece ; que son pere au lit de la mort jettant sur lui des regards pleins d’amertume, lui reprocha que par cette conduite irréguliere il s’étoit exclu du ciel tant que ses femmes & les enfans qu’il avoit eus d’elles, & les enfans qu’ils auroient existeroient dans le monde ; que Barthrouherri touché renvoya ses femmes, prit un habit de réforme, étudia, fit des pélerinages, & s’acquit la plus grande considération. Il disoit :

La vie de l’homme est une bulle, cependant l’homme s’abaisse devant les grands ; il se corrompt dans leurs cours ; il loue leurs forfaits, il les perd, il se perd lui-même.

Tandis que l’homme pervers vieillit & décroît, sa perversité se renouvelle & s’accroît.

Quelque durée qu’on accorde aux choses de ce monde, elles finiront, elles nous échaperont, & laisseront notre ame pleine de douleur & d’amertume ; il faut y renoncer de bonne heure. Si elles étoient éternelles en soi-même, on pourroit s’y attacher, sans exposer son repos.

Il n’y a que ceux que le ciel a daigné éclairer, qui s’élevent vraiment au-dessus des passions & des richesses.

Les dieux ont dédommagé les sages des horreurs de la prison où ils les retiennent, en leur accordant les biens de cette vie ; mais ils y sont peu attachés.

Les craintes attaquent l’homme de toutes parts ; il n’y a de repos & de sécurité que pour celui qui marche dans les voies de Dieu.

Tout finit. Nous voyons la fin de tout ; & nous vivons comme si rien ne devoit nous manquer.

Le desir est un fil ; souffre qu’il se rompe ; mets ta confiance en Dieu, & tu seras sauvé.

Soumets-toi avec respect à la loi du tems qui n’épargne rien. Pourquoi poursuivre ces choses dont la possession est si incertaine ?

Si tu te laisses captiver par les biens qui t’environnent, tu seras tourmenté. Cherche Dieu ; tu n’auras pas approché de lui, que tu mépriseras le reste.

Ame de l’homme, Dieu est en toi, & tu coure après autre chose !

Il faut s’assurer du vrai bonheur avant la vieillesse & la maladie. Différer, c’est imiter celui qui creuseroit un puits, pour en tirer de l’eau, lorsque le feu consumeroit le toit de la maison.

Laisse-là toutes ces pensées vaines qui t’attachent à la terre ; méprise toute cette science qui t’éleve à tes yeux & aux yeux des autres ; quelle ressource y trouveras-tu au dernier moment ?

La terre est le lit du sage ; le ciel le couvre ; le vent le rafraîchit ; le soleil l’éclaire ; celle qu’il aime est dans son cœur ; que le souverain, le plus puissant du monde a-t-il de préférable ?

On ne fait entendre la raison ni à l’imbécille ni à l’homme irrité.

L’homme qui sait peu se taira, s’il est assis parmi les sages ; son silence dérobera son ineptitude, & on le prendra pour un d’entr’eux.

La richesse de l’ame est à l’abri des voleurs. Plus on la communique, plus on l’augmente.

Rien ne pare tant un homme, qu’un discours sage.

Il ne faut point de cuirasse à celui qui sait supporter une injure. L’homme qui s’irrite n’a pas besoin d’un autre ennemi.

Celui qui conversera avec les hommes, en deviendra meilleur.

Le prince imitera les femmes de mauvaise vie ; il simulera beaucoup ; il dira la vérité aux bons ; il mentira aux méchans ; il se montrera tantôt humain, tantôt féroce ; il fera le bien dans un moment, le mal dans un autre ; alternativement économe & dissipateur.

Il n’arrive à l’homme que ce qui lui est envoyé de Birama.

Le méchant interpréte mal tout.

Celui qui se lie avec les méchans, loue les enfans d’iniquité, manque à ses devoirs, coure après la fortune, perd sa candeur, méprise la vertu, n’a jamais le repos.

L’homme de bien conforme sa conduite à la droite raison, ne consent point au mal, se montre grand dans l’adversité, & se plaît à vivre, quel que soit son destin.

Dormez dans un desert, au milieu des flots, entre