Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/932

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manquera une histoire générale des maladies, ont entrepris de tirer du recueil immense d’observations sur toute sortes de maladies, qui jusqu’à présent a resté sans ordre, une méthode qui indique la maniere d’en distinguer les différens caracteres, tant généraux que particuliers.

On a proposé plusieurs moyens d’établir cette méthode ; on en connoît trois principaux, savoir l’ordre alphabétique, l’aithiologique & l’anatomique. Le premier, tel qu’est celui qu’ont adopté Burnet, Manget, consiste à ranger les maladies suivant les lettres initiales de leurs noms grecs, latins ou autres, par conséquent à en former un dictionnaire : mais ces noms étant des signes arbitraires & variables, ne présentent aucune idée qui puisse fixer celle qu’il s’agit d’établir, de la nature, du caractere de chaque maladie.

L’ordre des causes prochaines ou éloignées de chaque maladie, suivi par Juncker, Boerrhaave & d’autres, est sujet à de grands inconvéniens & suppose la connoissance du système de l’auteur : ainsi un moyen aussi hypothétique ne paroît pas propre à fixer la maniere de connoître les maladies.

La plus suivie de toutes est l’ordre anatomique, qui range les maladies, suivant les différens siéges qu’elles ont dans le corps humain : tel est l’ordre suivi par Pison, par Sennert, Riviere, &c. dans lequel on trouve l’exposition des maladies, tant externes qu’internes, telles qu’elles peuvent affecter en particulier les différentes parties du corps, comme les inflammations, les douleurs de la tête, du cou, de la poitrine, du bas-ventre, des extrémités, & ensuite celles qui sont communes à toutes les parties ensemble, telles que la fiévre, & la vérole, le scorbut, &c. mais cette méthode ne paroît pas mieux fondée que les autres, & ne souffre pas moins d’inconvéniens, eu égard sur tout à la difficulté qu’il y a dans bien des maladies, de fixer le siége principal de la cause morbifique, dont les effets s’étendent à plusieurs parties en même-tems, comme la migraine, qui semble affecter autant l’estomac, que la tête ; le flux hépatique dans lequel il est très-douteux si le foie est affecté, & qui, selon bien des auteurs, paroît plutôt être une maladie des intestins. Voyez Migraine, Flux hépatique.

Il reste donc à donner la préférence à l’ordre symptomatique, qui est celui dans lequel on range les maladies, suivant leurs effets, leurs phénomenes essentiels, caractéristiques, les plus évidens & les plus constans ; en formant des classes de tous les genres de maladies, dont les signes pathognomoniques ont un caractere commun entr’eux, & dont les différences qui les accompagnent constituent les différentes especes rangées sous chacun des genres, avec lequel elles ont le plus de rapport.

Suivant cette méthode, on doit distinguer en général les maladies en internes ou médicinales, & en externes ou chirurgicales ; les médicinales sont ainsi désignées, parce qu’elles intéressent essentiellement l’œconomie animale, dont la connoissance appartient spécialement au médecin proprement dit ; c’est-à-dire, à celui qui ayant fait une étude particuliere de la Physique du corps humain, a acquis les connoissances nécessaires pour prescrire les moyens propres à procurer la conservation de la santé, & la guérison des maladies. Voyez Médecin. Les maladies chirurgicales sont celles, qui pour le traitement dont elles sont susceptibles, exigent principalement les secours de la main ; par conséquent les soins du chirurgien pour faire des opérations, ou des applications de remedes. Voyez Chirurgien.

Les maladies sont dites internes, lorsque la cause morbifique occupe un siége, qui ne tombe pas sous les sens, par opposition aux maladies externes, dont

les symptômes caractéristiques sont immédiatement sensibles à celui qui en recherche la nature : c’est ainsi, par exemple, que l’érésipele au visage se manifeste par la rougeur & la tension douloureuse que l’on y apperçoit ; au lieu que la même affection inflammatoire qui a son siége dans la poitrine, ne se fait connoître que par la douleur vive de la partie, accompagnée de fiévre ardente, de toux séche, &c. qui sont des symptomes, dont la cause immédiate est placée dans l’intérieur de la poitrine.

Les maladies ont plusieurs rapports avec les plantes ; c’est par cette considération, que Sydenham avec plusieurs autres auteurs célebres, desiroit une méthode pour la distribution des maladies, qui fût dirigée à l’imitation de celle que les botanistes employent pour les plantes : c’est ce qu’on se propose, en établissant l’ordre symptomatique, dans lequel la différence des symptomes qui peuvent être comparés aux différentes parties des plantes, d’où se tirent les différens caracteres de leurs familles, de leurs genres & de leurs especes, établit aussi les différences des classes, des genres & des especes des maladies.

Mais avant que de faire l’exposition de la méthode symptomatique, il est à-propos de faire connoître les distinctions générales des maladies, telles qu’on les présente communément dans les écoles & dans les traités ordinaires de pathologie.

Les différences principales des maladies sont essentielles, ou accidentelles : commençons par celles-ci, qui n’ont rien de relatif à notre méthode en particulier, & dont on peut faire l’application à toute sorte de maladies dans quelqu’ordre que l’on les distribue : les différences essentielles dont il sera traité ensuite, nous rameneront à celui que nous adopterons ici.

Les différences, qui ne dépendent que des circonstances accidentelles des maladies, quoiqu’elles ne puissent point servir à en faire connoître la nature, ne laissent pas d’être utiles à savoir dans la pratique de la Médecine, pour diriger dans le jugement qu’il convient d’en porter & dans la recherche des indications qui se présentent à remplir pour leur traitement.

Comme les circonstances accidentelles des maladies sont fort variées & sont en grand nombre, elles donnent lieu à ce que leurs différences soient variées & multipliées à proportion ; on peut cependant, d’après M. Astruc, dans sa pathologie, cap. ij. de accidentalib. morbor. different. les réduire à huit sortes ; savoir, par rapport au mouvement, à la durée, à l’intensité, au caractere, à l’événement, au sujet, à la cause & au lieu.

1°. On appelle mouvement de la maladie, la maniere dont elle parcourt ses différens tems, qui sont le principe ou commencement lorsque les symptomes s’établissent ; l’accroissement, lorsqu’ils augmentent en nombre & en intensité ; l’état, lorsqu’ils sont fixés ; le déclin, lorsque leur nombre & leur intensité diminuent ; & la fin, lorsqu’ils cessent ; ce qui peut arriver dans tous les tems de la maladie, lorsque c’est par la mort. Voyez Tems, Principe, &c.

2°. La durée de la maladie est différente par rapport à l’étendue, ou à la continuité. Ainsi, on distingue des maladies longues, chroniques, dont le mouvement se fait lentement, comme l’hydropisie ; d’autres courtes, sans danger, comme la fiévre éphemere, ou avec danger, comme l’angine, l’apopléxie : celles-ci sont appellées aiguës, dont il n’a pas été fait mention dans l’ordre alphabétique de ce dictionnaire ; elles sont encore de différente espece : celles qui font les progrès les plus prompts & les plus violens, avec le plus grand danger, morbi peracuti, se terminent le plus souvent par la mort