trois fois ; puis, comme un homme ranimé, il tousse fortement, il se démène, il reprend :
— Mais à votre avis, seigneur philosophe, n’est-ce pas une bizarrerie bien étrange qu’un étranger, un italien, un Duni, vienne nous apprendre à donner l’accent à notre musique, et assujettir notre chant à tous les mouvements, à toutes les mesures, à tous les intervalles, à toutes les déclamations, sans blesser la prosodie ? Ce n’était pas pourtant la mer à boire. Quiconque avait écouté un gueux lui demander l’aumône dans la rue, un homme dans le transport de la colère, une femme jalouse et furieuse, un amant désespéré, un flatteur, oui, un flatteur, radoucissant son ton, traînant ses syllabes d’une voix mielleuse, en un mot une passion, n’importe laquelle, pourvu que par son énergie elle méritât de servir de modèle au musicien, aurait dû s’apercevoir de deux choses : l’une, que les syllabes longues ou brèves n’ont aucune durée fixe, pas même de rapport déterminé entre leurs durées ; que la passion dispose de la prosodie presque comme il lui plaît, qu’elle exécute les plus grands intervalles, et que celui qui s’écrie dans le fort de sa douleur : Ah ! malheureux que je suis !