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Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/17

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fait sécher quelques arbres plantés dans son voisinage, qui a étouffé les plantes qui croissaient à ses pieds ; mais il a porté sa cime jusque dans la nue, ses branches se sont étendues au loin ; il a prêté son ombre à ceux qui venaient, qui viennent et qui viendront se reposer autour de son tronc majestueux ; il a produit des fruits d’un goût exquis, et qui se renouvellent sans cesse. Il serait à souhaiter que Voltaire eût encore la douceur de Duclos, l’ingénuité de l’abbé Trublet, la droiture de l’abbé d’Olivet : mais puisque cela ne se peut, regardons la chose du côté vraiment intéressant ; oublions pour un moment le point que nous occupons dans l’espace et dans la durée, et étendons notre vue sur les siècles à venir, les régions les plus éloignées, et les peuples à naître. Songeons au bien de notre espèce ; si nous ne sommes point assez généreux, pardonnons au moins à la nature d’avoir été plus sage que nous. Si vous jetez de l’eau froide sur la tête de Greuze, vous éteindrez peut-être son talent avec sa vanité. Si vous rendez Voltaire moins sensible à la critique, il ne saura plus descendre dans l’âme de Mérope, il ne vous touchera plus.