Page:Dierx - Œuvres complètes, Lemerre, I.djvu/115

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Un sanglot surhumain, un cri désespéré,
Vers les morts s'exhala de son cœur déchiré :

« Non ! Malgré les six pieds de terre sur vos restes,
Malgré vos ossements en poudre, ô morts funestes !
Cria-t-il ; dût ma voix implacable, plus haut
Que le tonnerre, ici rouler sans fin ! Dussé-je
User à votre porte un poignet sacrilège,
Vous ne dormirez point ce soir, traîtres ! Il faut
Que vous vous réveilliez ! Il faut que vos oreilles
S'emplissent pour toujours de l'horreur de mes veilles !

« Ah ! Vous ne dormez pas ! Et le long des cyprès,
Vos corps inassouvis approchés de plus près,
Comme ils m'apparaissaient dans mes lentes tortures
Errent au souvenir des printemps amoureux ;
Et cette nuit terrible est sans effroi pour eux ;
Et vous trompez aussi l'ange des sépultures !
Enlacés dans la pluie et la foudre et les vents,
Insensibles tous deux aux douleurs des vivants !

« Vous flottez devant moi, plus loin, lâches fantômes !
Amants parés de fleurs aux sinistres arômes !
Et pendant qu'à leur seuil d'herbe épaisse ou d'airain,
Sur les dalles qu'un pas insolite a heurtées,
Mille formes de morts se lèvent irritées ;
Pendant qu'il vous poursuit, cet étalon sans frein,
Et que mon bras pour vous anéantir se dresse,
Vous ne daignez rien voir que votre propre ivresse !