Page:Dierx - Œuvres complètes, Lemerre, I.djvu/223

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Au milieu des coussins elle était là, couchée ;
Et par instants sa main, de l'ombre détachée,
Chassait on ne sait quel péril d'un geste prompt ;
Mais sous un autre vol se retournait son front ;
Et des bouches que rien n'arrête ou ne déjoue
Marquaient un baiser rouge au milieu de sa joue.
Sa main gauche dormait dans celles du vieillard,
Qui tout auprès, debout, la couvrant d'un regard
Sec et morne, semblait chercher dans sa mémoire
Les couleurs d'un visage auquel il ne peut croire.
Mais le sang de la vie avait seul déserté
Ce visage. Jamais l'éclat de la beauté
N'auréola plus fière et plus pâle figure.
Elle était là, les cils levés, sans un murmure,
Et paraissait attendre et provoquer sans peur
Les doigts de l'invisible et lugubre sculpteur
Qui sur les corps quittés se délecte et s'obstine.
Celle qui, m'opposant l'allégresse enfantine,
Par ses yeux où mourait mon plus charmé désir
M'apprit l'horreur de voir les étoiles s'enfuir ;
Celle-là dont l'empreinte au fond de ma pensée,
Le jour où je jurai de l'avoir effacée,
S'installa plus riante et défiant l'oubli ;
Celle-là n'était rien que le songe aboli
Dans l'éparse vapeur de larmes bien taries.
Mais le fleuve est plus large, amour, où tu charries
Aujourd'hui mon trésor plus splendide au néant !
Et des cyprès sans fin au feuillage géant
Bordent tous les sentiers dont je parcours la trace.