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légèrement et a les recueillir sur des nattes de paille étendues tout autour des arbres ; à l’abri de haute futaie s’étalent des touffes de grenadiers aux fruits verts et aux fleurs rouge sang.

Véramine, pays essentiellement agricole, n’a pas de caravansérail convenable ; mais le docteur Tholozan n’a rien oublié et nous a pourvus de si pressantes recommandations, que le ketklioda s’est empressé de mettre à notre disposition une partie de sa maison. La chaleur est extrême au moment de notre arrivée ; néanmoins, les visites de politesse échangées, nous poussons une reconnaissance du côté de la masdjed djouma, superbe édifice aujourd’hui ruiné et dans lequel on ne fait plus la prière faute de trouver un emplacement où l’on puisse invoquer Allah sans risquer de recevoir un pan de mur sur la tête. Grâce a cet état de délabrement, il est permis aux infidèles d’entrer dans la mosquée et de se faire écraser tout à l’aise, si cela leur est agréable.

La Masjed Djoumade de Véramine (vue extérieure)


Le monument est situé a quelque distance du village, au milieu de champs aujourd’hui couverts d’une épaisse végétation de broussailles et d’herbes piquantes.

Une façade ornée de ravissantes mosaïques de faïence de deux bleus précède la grande cour placée au-devant de l’entrée du sanctuaire ; l’éboulement de l’une des parties latérales de la construction permet d’embrasser d’un seul coup d’œil un édifice rappelant de très près dans ses grandes lignes la masdjed Chah de Kazbin. La salle du mihrab, enrichie d’admirables panneaux de fleurs en relief traités avec une hardiesse et une sûreté de main surprenantes, attire surtout notre attention. Comme à Kazbin, on retrouve dans l’intérieur de cette salle les mêmes pendentifs permettant de passer sans transition brusque du plan carré au plan octogonal et,de ce dernier, à la forme circulaire de la coupole. Les parements de maçonnerie de briques sont rejointoyés en blanc et ornés de joints verticaux larges de quatre centimètres, au milieu desquels sont sculptées en creux, avec la pointe de la truelle, des arabesques dessinant un semis à motifs multiples régulièrement disposés et du plus heureux effet. Tout cet ensemble est imposant et d’un goût très pur.

En montant sur les maçonneries éboulées, on atteint une galerie sans parapet qui fait le tour de la coupole.