Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/196

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Traverser en plein jour, au mois de juillet, au train d’une caravane d’ânes le désert de Koum serait folie. Nous abandonnons à la probité des guides les bagages, nos fusils, trois mille francs en pièces d’argent dont le poids pourrait être gênant, et, accompagnés d’Houssein, le soldat d’escorte monté lui aussi sur un vigoureux coursier, nous nous décidons à tuer, s’il le faut, les chevaux du naieb saltané, mais à gagner Koum avant huit heures du matin.

1er août. — En quittant le village, Marcel a réglé ainsi notre allure : un quart d’heure au galop, cinq minutes au pas.

Nous avons d’abord suivi une vallée pierreuse comprise entre deux collines d’une aridité absolue. À part les scorpions cachés sous les cailloux, qui fuyaient portant en l’air leur queue jaune, je n'ai aperçu aucun être vivant. « A cinq heures nous avons laissé sur la droite les ruines d’un caravansérail sans eau situé, assure Houssein, à moitié chemin de Koum. » Les chevaux sont encore en bon état et n’ont pas une goutte de sueur, mais supporteront-ils jusqu’au bout une pareille allure ? Combien est merveilleuse la race de ces animaux auxquels on peut demander des efforts violents après leur avoir fait suivre depuis huit jours le régime purgatif que procurent les eaux amères du pays !

À six heures la chaleur devient insoutenable. Une heure encore, et le côté de nos selles exposé au soleil se tortille comme du papier devant le feu, une étrivière se rompt, les autres sont à demi tranchées sur toute leur longueur. Nous sommes inondés d’une telle sueur que les brides, mouillées, glissent de nos doigts, les yeux éblouis et les paupières irritées par la réverbération du soleil sur le sable refusent de s’ouvrir, et les tempes battent à croire que notre tête va éclater. Les chevaux eux-mêmes, malgré leur vigueur, buttent sur les pierres et s’abattraient si nous ne prolongions les temps de pas. À sept heures apparaît enfin, scintillant au soleil, la coupole d’or du tombeau de Fatma, la sainte protectrice de Koum.


Minaret


Nous entrons dans un beau caravansérail encombré d’une nombreuse caravane de négociants israélites. Le gardien, reconnaissant à la teinte amarante de la queue de nos montures les chevaux des écuries royales, ne doute pas que nous ne soyons de très grands personnages, et son respect s’accroît encore quand Houssein lui raconte avec fierté que nous sommes venus d’Avah en moins de trois heures. Le brave homme se précipite vers ses nouveaux hôtes, nous aide à descendre de cheval, et, nous voyant tout étourdis, commande à ses serviteurs d’aller remplir les cruches à l’abambar, afin de verser pendant quelques minutes de l’eau glacée sur nos têtes