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et se plaît à évoquer, pour se représenter ces demeures fermées, toutes les splendeurs des récits des Mille et une Nuits.

Nous sommes ici dans le palais d’une fille favorite du chah de Perse. Combien de femmes de notre bourgeoisie provinciale se plaindraient de la pauvreté de cette installation ! Marcel veut bien convenir que je sais lever un plan, tout en assurant que de sérieuses études me sont encore nécessaires avant de dessiner d’une manière convenable une élévation et surtout une coupe. Prenons mon plan et décrivons un andéroun princier.

La communication entre le biroun et le harem s’établit au moyen d’un corridor, intercepté par plusieurs portes ; la dernière s’ouvre sur un jardin, aux extrémités duquel s’élèvent deux bâtiments à peu près semblables.

L’un est exposé au nord et habité l’été, l’autre est orienté au sud et utilisé l’hiver. Les caves voûtées qui portent le nom de zirzamui (sous terre) sont occupées pendant les plus fortes chaleurs. Le pavillon d’été est divisé en trois salons, éclairés par de nombreuses fenêtres.


Plan de l'andéroun du gouverneur de Koum


Derrière cette première rangée de pièces s’étend une nouvelle série de chambres ; enfin des baies placées au fond de ces dernières et fermées au moyen de volets de bois donnent accès dans des boudoirs obscurs et toujours frais, au fond desquels on fait la sieste pendant les heures les plus chaudes de la journée.

Les femmes dorment la nuit sur les terrasses entourées de hautes murailles, habitent dès la venue du jour les premières chambres, qui sont demeurées ouvertes, et, à mesure que la température s’élève, elles se réfugient dans les parties les plus sombres de la maison, après avoir soigneusement fermé les volets. Toutes ces pièces sont blanchies à la chaux ; les cheminées seules sont ornées de quelques légères décorations de plâtre.

Les portes, fort basses, ne sont ni peintes ni cirées ; une chaîne de fer fixée à l’extrémité du vantail s’accroche à un fort piton enfoncé dans la traverse supérieure du cadre ; un clou ou un morceau de bois passé au travers du piton constitue une serrure aussi économique que gênante.

Le mobilier est des plus élémentaires. Quelques coussins jetés sur des tapis de Farahan, des rideaux en soie de Yezd attachés à de lourds crochets de fer, donnent une médiocre idée de la richesse d’imagination des tapissiers persans.