Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/264

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s’étend entre deux jardins d’un caractère bien persan. Les parcs anglais, avec leurs pelouses de gazon égayées par des corbeilles fleuries ou des bouquets d’arbres ; les jardins français du dix-huitième siècle, avec leurs formes raides et sévères, ne sauraient en donner une idée ; les bags (jardins), semés sous de hauts platanes émondés jusqu’à la cime, sont de véritables champs couverts de fleurs serrées les unes auprès des autres, sans aucun souci des couleurs ni des espèces. L’aspect de ces longs parterres est étrange, et si, en s’en approchant, on peut leur reprocher un certain désordre, il faut avouer que, vus à distance et au grand soleil, ils produisent un effet charmant, chaque fleur paraissant alors plus éclatante que les brillants papillons qui les caressent de leurs ailes. Au delà du bassin s’élève le pavillon octogonal des Hacht-Bechet, composé d’une grande salle placée au centre de l’édifice, de quatre porches et de quatre corps de bâtiments. Il comprend sur deux hauteurs d’étages les « Huit-Paradis », desservis par des escaliers spéciaux mis en communication au moyen de galeries jetées au-dessus des porches.

Sur les murs des appartements placés auprès du portique s’étendent deux grandes compositions, représentant, l’une Fallaly chah entouré de ses fils, l’autre le même souverain chassant les fauves. Le roi, penché sur le cou de sa monture, traverse de sa lance la gueule d’une bête féroce, un lion ou une panthère, je ne saurais le dire. L’artiste, justement préoccupé de la figure royale, a négligé de préciser les formes de l’animal.

Les Hacht-Bechet sont démeublés aujourd’hui, les huit favorites ont disparu, pas un nom n’est resté attaché aux appartements embellis jadis de leur présence, et l’on chercherait vainement les traces des déesses qui régnèrent il y a quelque soixante ans dans cette ruche royale. Étaient-elles majestueuses ou mignonnes, brunes ou blondes, gaies ou sérieuses ? Aucun indice n’est venu me révéler ces secrets ; il est à supposer néanmoins que le père de plus de six cents enfants devait avoir au nombre de ses épouses des types de beauté très variés.


PAVILLON DES HACHT-BECHET.


Je suis fort reconnaissante au général Mirza Taghuy khan de m’avoir prévenue que je me trouvais dans un collège, car sans cet avertissement je ne me serais jamais douté de l’affectation actuelle de l’édifice. Bancs, pupitres, ardoises traditionnelles, chaire de professeur, bibliothèque, constituent ici un mobilier inutile. Les Iraniens, grands et petits, calligraphes de profession ou écoliers maladroits, écrivent en tenant le papier appuyé sur la paume de la main, de telle sorte qu’en étendant un tapis sur le sol et en mettant dans un coin la perche et les verges nécessaires pour donner la bastonnade, un local quelconque peut servir de collège ou de ministère.

Les élèves auraient vraiment bien tort de se plaindre des coups de gaule dont on les