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Panorama de Djoulfa

CHAPITRE XIV


Les jardins de l’évêché. - Le clergé grégorien. — L’andéroun de hadji Houssein.- Souvenirs de voyage d’une Persane à Moscou. — La tour à signaux. — Lettre du chalizaddè Zellè sultan.


2 septembre. — « Aïe ! aïe ! la ! la ! la ! Assez ! pardon ! père, je ne recommencerai plus. Aïe ! aïe ! » hurle notre ami Kadchic en recevant sur la plante des pieds quelques légers coups de gaule.

Le mauvais drôle s’est permis de goûter à un pichkiach que l’évêque arménien nous a envoyé par l’entremise d’un vicaire, chargé de nous rappeler également que Sa Grandeur nous attendait ce soir a dîner dans son jardin des bords du Zendèroud. Le cadeau épiscopal ne se composait que de six pêches, mais elles étaient assez grosses pour remplir à elles seules une grande corbeille d’osier. Les fruits les plus parfumés des jardins d’Europe ne sauraient rappeler, même de loin, la chair a la fois ferme et fondante, la peau fine et la saveur musquée des pêches d’Ispahan. J’excuse, en les admirant, la gourmandise de Kadchic ; sa grâce obtenue, le gamin se relève et se sauve en courant.

« La plante de tes pieds n’est-elle pas endolorie ?

— Pas le moins du monde ; elle est dure comme une semelle de cuir, mais je crie de toutes mes forces afin d’apitoyer bien vite le Père. »

Exacts au rendez-vous, nous franchissions, trois heures avant le coucher du soleil, l’enceinte de terre bâtie autour des jardins de l’évêché. Sa Grandeur ne tarde pas à arriver, montée sur un superbe cheval noir et suivie de ses vicaires, qui caracolent derrière elle. C’est évidemment ainsi que voyageaient autrefois en France les plus grands dignitaires de l’Église.

Non loin de la porte d’entrée s’étend une esplanade couverte d’un dôme de verdure. Sous cet épais ombrage s’abrite une citerne alimentée par les eaux du Zendèroud. La roue d’une grossière machine élévatoire tourne en gémissant sur son arbre de couche et vient déverser, à