Nos sauveteurs nous guidèrent vers la maison la mieux tenue.
Une jeune femme couronnée d’un diadème de pièces d’argent prépara du thé brûlant ; les enfants, empilés sous le tandour, nous firent place à leurs côtés, et, quand enfin nos membres furent un peu dégelés, on mit à notre disposition un feutre épais, tandis que deux paysans allaient au plus vite monter la garde auprès de la berline naufragée.
Je fus réveillée par un cri strident et un jet de lumière qui éclaira subitement le centre de la toiture. Le cri avait été poussé par un veilleur de nuit chargé de déboucher au matin l’ouverture circulaire ménagée au faîte de chaque maison et d’annoncer aux villageois le retour de l’aurore. La journée s’annonçait radieuse. Nous courûmes vers la berline. Bagages et provisions étaient intacts. Bientôt arrivèrent des postillons et des chevaux ; mais, comme la veille, leurs efforts pour relever le carrosse demeurèrent infructueux. Ce fut à un attelage de bœufs que revint l’honneur d’avoir raison de la neige et des ornières. Dès lors il fallut renoncer à traîner la voiture pleine et nous empiler avec nos bagages sur un de ces traîneaux considérés naguère avec tant de mépris, tandis que Niet s’acharnait à faire marcher derrière nous la pompeuse guimbarde.
Jusqu’à Érivan le voyage fut une longue suite de stations douloureuses. Étapes faites en traîneaux, étapes exécutées dans une berline toujours prête à verser, interminables arrêts dans des maisons de poste aussi dépourvues de chevaux que de vivres, se succédèrent dix jours durant.
Il serait monotone de narrer en détail nos déceptions et nos souffrances. J’ouvrirai donc mes notes en face du premier monument iranien. Je n’ai pas encore franchi la frontière politique de l’empire du Chah in Chah, puisque le Dieu des combats a fait russe la Transcaucasie, mais je suis certainement en Perse, si j’en juge au costume, au langage des habitants, au bazar et aux édifices qui m’entourent.