Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mirza Taghuy khan fait contre mauvaise fortune bon cœur. Quoi qu’il arrive, le général veut me prouver que le mot impossible n’est pas persan ; mais, à part lui, il n’est pas moins fort inquiet. Le prince Zellè sultan a écrit hier à son médecin une lettre confidentielle dans laquelle il se plaint de la laideur des femmes de Bouroudjerd et demande qu’on lui expédie immédiatement quelques belles de l’andéroun. Afin que les khanoums n’arrivent pas trop défraîchies à la suite d’un long voyage il cheval, on doit les emballer soigneusement dans les deux carrosses qui franchissent aujourd’hui canaux et fossés en notre compagnie. Quand les sentiers seront trop étroits ou les montagnes trop raides pour laisser passer les véhicules, quatre compagnies d’infanterie, désignées à cet effet, les traîneront à bras.

Pigeonnier du Hzerdjerib


Je laisse à penser quelles émotions agitent ce brave Mirza Taghuy khan. Si les voitures se brisent dans leurs bonds désordonnés, la fleur des princes iraniens sera réduit à s’accommoder des paysannes de Bouroudjerd !

Allamdoualah ! nous voici enfin arrivés. Les roues sont au complet : ressorts et essieux ont résisté à tous les contre-coups.

Avec quel soupir d’intime satisfaction chacun met pied à terre ! Nous hésitons à nous reconnaître les uns les autres ; cheveux, barbes et vêtements sont blancs à, rendre jaloux les plus poudreux derviches de l’Asie entière.

Pendant les longues étapes de caravane, endormie la nuit sur l’arçon de ma selle et réveillée à tout instant par la crainte de me laisser choir en bas de ma monture, j’ai souvent regretté avec amertume de n’avoir pas à ma disposition une mauvaise charrette de Gascogne.