Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/324

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L’intérieur de l’andéroun, éclairé sur la cour, est caché aux regards par des rideaux de soie tendus à plat devant toutes les ouvertures.

Chirin klianoum (traduction : Mme Sucrée), la première femme du seïd, fume son kalyan. A mon arrivée elle me fait asseoir, et, enlevant la pipe de ses lèvres, elle me l’offre poliment. Tout aussi poliment je refuse : les musulmans, je ne l’ignore pas, sont aussi dégoûtés de se servir d’un objet touché par un chrétien, qu’il nous est désagréable d’user d’un kalyan promené de bouche en bouche entre gens de même religion, depuis le chah jusqu’au mendiant édenté et repoussant qui va quêtant une bouffée de tabac tout comme un morceau de pain.

Chirin klianoum semble comprendre la signification de mon refus. «  Vous êtes ici dans une

CHIRIN KHANOUM.

maison amie ), me dit-elle sans insister davantage. Nous causons pendant quelques instants des mosquées de la ville, et je profite de l’arrivée d’une visiteuse pour rejoindre mes compagnons au moment ou tous deux se remettent en selle.

«  Vous choisissez donc vos amis intimes parmi les seïds, ces incorrigibles fanatiques ? dis-je au Père en reprenant le chemin de Djoulfa.

— J’aime de tout mon cœur seïd Mohammed Houssein, parce que cet homme de bien a sauvé un chrétien d’une mort certaine. Il y a quelques années, nous vîmes arriver un Français à Djoulfa : votre compatriote n’avait point reçu les ordres, mais, soutenu par une foi ardente, il venait néanmoins évangéliser la Perse. Il ne tarda pas à s’apercevoir que ses tentatives de conversion seraient toujours infructueuses s’il s’adressait aux musulmans, et chercha