Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/344

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fleuve est couvert, en cette saison, par les produits des fabriques de kalamkars. Le kalamkar (Iitt. «travail à la plume ») est le modèle original des colonnades désignées en France sous le nom de « perse ». Les Ispahaniens peignent ces tissus avec un art consommé et sont redevables du mérite et de la solidité des couleurs appliquées sur l’étoffe aux eaux du Zandèroud, (tout ils les arrosent pendant plusieurs jours.

Toutes les perses de l’Irak sont charmantes, surtout quand, rehaussées de quelques arabesques d’or, elles sont employées comme portières ou jetées en guise de nappes sur les tapis. Leur fabrication a pris depuis quelques années une telle importance, qu’on est même arrivé il imprimer les couleurs avec des moules à main, afin de livrer l’étoffe courante à bon marché ; quant aux beaux kalainkars, ils sont toujours dessines a la plume et peints avec une grande netteté de contours.

18 septembre. — Nous avons réservé pour la dernière de nos courses autour d’Ispahan la visite du Chéristan, le plus vieux quartier de la ville, bâti sur l’emplacement de l’antique Djeï, et éloigné aujourd’hui de près de deux farsaklis de la cité moderne.

Quand on se rend au Cliéristan, on suit d’abord la rive droite du fleuve ; on longe ensuite le joli faubourg d’Abbas-Abad, bâti, comme bjoulfa, le long de canaux ombragés ; puis le chemin disparaît et l’on ne reconnaît plus la route qu’aux empreintes laissées par les pieds des chevaux sur la terre sablonneuse ; après une heure de marche je traverse la rivière et me trouve en présence d’un splendide minaret élevé de plus de trente-neuf mètres au-dessus du sol et décoré d’une inscription en mosaïque monochrome. Cette belle construction est due a un roi mogol, Iîoustem chah, qui régna sur la Perse au quinzième siècle.

Les murailles et la couverture de l’imamzaddè ont résisté victorieusement au temps et aux hommes ; les voûtes surtout

sont intéressantes à examiner : dépouillées

MOSQUÉE AABBAS-ABAD.(Voyez p. 330.)

de toute ornementation extérieure, elles expliquent avec une parfaite netteté la raison constructive de ces voussures compliquées dont les Persans, comme les Arabes, se sont montrés si prodigues dans leur architecture. Non loin de l’imamzaddè, les arches d’un quatrième pont jeté devant Ispahan réunissent les deux rives du fleuve. Les piles de cet ouvrage sont en grossière maçonnerie de pierre, et les parties supérieures des arches ont été bâties en briques à une époque de beaucoup postérieure à la fondation primitive des piles, La circulation, se portant tous les jours davantage vers les ponts Allah Verdi Khan et Hassan Beg, est fort peu active sur celui du Cliéristan. D’ailleurs le bourg lui-même paraît si désert que notre arrivée ne réussit pas à attirer sur la place plus d’une vingtaine de curieux.