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Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/37

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À sept ou huit kilomètres d’Érivan, le postillon trouve encore le moyen d’engager sa voiture dans une profonde ornière. Mais, comme le soleil est beau et que nous n’avons plus de neige sous les pieds, notre philosophie se trouve à la hauteur des circonstances ; assis sur un tertre, nous attendons pendant deux grandes heures qu’Allah donne aux chevaux de poste et à deux paires de vaches réquisitionnées dans un champ voisin la force et la bonne volonté nécessaires pour dégager le carrosse du cloaque dans lequel il est embourbé.

Tout autour de moi le pays est riche et bien cultivé ; on voyage au milieu de plaines irriguées plantées en vigne ou semées en blé, riz ou coton. Les villages, très voisins les uns des autres, sont entourés de bouquets de verdure et d’arbres fruitiers en pleine floraison. Le printemps sonne le branle-bas aux champs ; les paysans profitent d’une belle journée de soleil pour donner les dernières façons aux terres ; les femmes, uniformément revêtues de chemises courtes et de pantalons en cotonnade rouge, réparent les conduits d’arrosage, sarclent et binent les récoltes déjà nées ou déchaussent la vigne enterrée pendant l’hiver.

Pont d’Erevan

1er avril. — Le paysage change ; toute trace de végétation disparaît, et la route naguère si riante s’élève dans une vallée caillouteuse conduisant à un col déchiré ; les secousses données par les rochers en saillie sur le chemin sont des plus violentes. Allons-nous encore voyager sur la tête ? Vers trois heures, douze fortes bêtes montées par six postillons remplacent l’attelage de quatre chevaux. Je demande des renseignements : nous allons, m’apprend le conducteur, traverser une rivière ; on n’ignore pas ici l’art de naviguer, mais c’est toujours en voiture ou à cheval qu’on met à la voile.