Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/409

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parfaits. Après avoir rendu son peuple heureux, Djemchid inventa le vin et, dès lors, se laissa aller il la débauche. Je laisse à Mollah Ackber le soin de conter cet épisode de la vie du roi.

Djemchid eût donné tous les fruits de ses vergers pour une grappe de raisins, Désirant en conserver une provision d’hiver, il en enferma dans une grande jarre et lit déposer le vase au fond d’une cave profonde. Lorsque plus tard on ouvrit la jarre, les raisins avaient fermenté et s’étaient transformés en un jus rouge d’une odeur et d’un goût pénétrants. Le roi se méprit sur les qualités de cette liqueur et en fit remplir quelques amphores de terre, sur chacune desquelles on écrivit le mot « poison ». Les propriétés du vin fussent demeurées longtemps ignorées si l’une des femmes de l’andéroun, sujette à d’intolérables douleurs de tète, n’eût cherché dans la mort la fin de tous ses maux. Elle prit le vase sur lequel était écrit « poison » et en avala le contenu. La belle khanoum, peu faite aux liqueurs alcooliques, tomba en lelhargie et se trouva fort calmée à son réveil. Enchantée d’avoir découvert un remède a ses maux. elle revint souvent à la cruche, et bientôt le vin du monarque fut bu tout entier. Le prince s’aperçut du larcin : la dame avoua sa faute, mais dépeignit en termes si engageants les divins effets de l’ivresse, que le roi voulut à son tour goûter au jus de raisin. A la récolte suivante on fiL une plus grande quantité de vin ; Djemchid d’abord, puis toute sa cour firent leurs délices de ce nouveau breuvage, qui, en raison de la manière dont il avait été connu. fut longtemps nommé le « délicieux poison ».

Djemchid, il faut le croire, ne tarda pas à abuser du « délicieux poison », car il se proclama dieu, ordonna à ses sujets de lui élever des statues, et les dégoûta à tel point de lui, qu’ils le trahirent et se soumirent à Zohak, prince syrien.

Le malheureux souverain prit la fuite ; poursuivi dans le Seistan, l’Inde et la Chine, il fut enfin conduit devant son ennemi, qui le fit placer entre deux planches et scier en plusieurs morceaux avec une arête de poisson. Au dire de Firdouzi, Djemchid régna sept cents ans et fut l’ancêtre du fameux Roustem.

C’est probablement à l’ensemble de ces traditions que ce personnage héroïque doit le renom dont il n’a cessé de jouir chez les Persans et l’honneur de signer toutes les œuvres des Achéménides.

«  Djemchid, disent en effet les auteurs du Moyen Age, bâtit un palais fortifié au pied d’une montagne qui borde au nord-ouest la plaine de la Merdach. Le plateau sur lequel il était élevé a trois faces vers la plaine et une vers la montagne. Les pierres avec lesquelles il est construit sont en granit noir et dur ; l’élévation à partir de la plaine est de quatre-vingt-dix pieds, et chaque pierre employée dans cette construction a de neuf à douze pieds de long sur une largeur proportionnelle. Il y a, pour arriver au palais, deux grandes volées de marches, si faciles à monter qu’on peut le faire à cheval. Sur cette plate-forme était bâti l’édifice, dont une partie subsiste encore dans son premier état ; le reste est en ruine. Le palais de Djemchid est celui qu’on appelle maintenant Tcheel-Minar ou les Quarante-Colonnes. Chacune de ces colonnes est faite d’une pierre sculptée et a soixante pieds de haut ; elles sont travaillées avec tant d’art qu’il semblerait difficile d’exécuter sur bois ces beaux ornements, sculptés cependant sur un dur granit. Un ne trouverait pas en Perse une pierre pareille a celle de ces colonnes, et l’on ne sait d’où celle-ci a été apportée. Ouelques figures très belles et très extraordinaires ornent aussi ce palais. Toutes les colonnes qui jadis soutenaient la voûte icar aujourd’hui elle est tombée) sont composées de trois tronçons si bien assemblés que le spectateur ne peut éviter de croire que le fût ne soit d’une seule pièce. On trouve sur les bas-reliefs plusieurs figures de Djemchid : ici il tient une urne dans laquelle il brûle du benjoin tout en adorant le soleil ; lit il est représenté poignardant un lion. »

A part quelques inexactitudes de peu d’importance et des exagérations propres au caractère