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Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/419

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du roi : les terribles immortels. Quelques-uns, comme les soldats représentés sur les bas reliefs placés au bas de l’escalier dit palais de Darius, portent la lance, le carquois ; d’autres sont armés de l’arc et des flèches dont les Parthes tirent contre les Romains un si terrible usage.

La forme du tronc est assyrienne, avec cette différence que les pieds du siège sont tournés au lieu d’être simplement équarris ; les pentes du dais, fort probablement en étoile d’or, sont d’un dessin très curieux ; elles se composent de deux litres lourdement brodées. A une double rangée d’antémions succède une bande ornée de taureaux ; au centre apparait l’emblème ailé d’Aouramazda ; enfin la litre inférieure se termine par un galon et une lourde frange. La superposition des emblèmes ailés donne à cette draperie l’aspect d’une tente égyptienne. C’est une nouvelle manifestation de cette tendance particulière aux Perses d’aller chercher a l’étranger des modèles qu’ils faisaient ensuite reproduire par leurs propres ouvriers.

Ne semble-t-il pas que Darius ait voulu rassembler dans sa demeure souveraine toutes les merveilles de l’Asie et de l’Afrique, et qu’il ait fait contribuer à l’ornementation de ses palais les arts et les richesses des nations tributaires de la Perse ?

A l’Ionie il emprunta l’ordonnance de l’édifice, la forme des ouvertures et la sculpture ornementale ; à la Lycie, les charpentes et les terrasses ; à l’Egypte, les colonnes, leur base, leur chapiteau et le couronnement des portes ; à l’Assyrie, la statuaire ; mais il s’en rapporta aux Perses pour harmoniser des types de provenances si diverses avec le goût et la mesure toujours observés par les Iraniens dans l’ornementation de leurs édifices.

L’étude des bas-reliefs de Persépolis me permet de constater la supériorité des sculptures du Takhtè Djemchid sur celles de Maderè Soleïman. Les œuvres des artistes contemporains de Darius et de ses successeurs ont grande allure et cadrent, malgré leurs défauts, avec les édifices qu’elles sont destinées à orner. Le dessin est correct, le modelé ne trahit aucune des exagérations caractéristiques des sculptures chaldéennes ou ninivites, et l’exécution est parfaite. Ce n’est pas l’habileté de main qu’il faut seulement louer chez les Iraniens : les Perses sont surtout redevables de leur supériorité artistique à leur intelligence, qui leur a fait comprendre les véritables conditions du bas-relief et les a amenés les premiers à renoncer aux paysages et à grouper sur le même plan tous les personnages d’une même scène.

De pareils efforts devaient malheureusement être perdus pour les siècles futurs ; l’art persépolitain, imposé à la Perse par Cyrus et ses successeurs, n’a pas survécu au dernier représentant de la dynastie achéménide. Il ne pouvait en être autrement dans une contrée privée de bois et dans un pays où les matériaux de terre sont seuls d’un usage pratique : c’est ainsi que les palais du Takhtè Djemchid n’ont jama is été imités ou copiés après la chute de Darius Codoman, et que les rois partîtes et sassanides ont de nouveau construit des monuments en briques recouverts des hautes coupoles, caractéristiques de l’architecture nationale de l’Iran.

Deux hypogées creusés dans la montagne au pied de laquelle les Achéménides ont assis le soubassement du Takhtè Djemchid ont fait supposer à tort que les édifices construits au-dessous d’eux étaient des temples funéraires semblables à ceux que les souverains de l’Égypte élevaient a leur propre mémoire dans la nécropole de Thèbes. Cette hypothèse me parait hasardée : les tombes de Darius et celles de ses premiers successeurs sont creusées dans les rochers de Nakhchè Houstcm, à plus de dix kilomètres des palais élevés par ces rois à Persépolis ; le voisinage des deux derniers hypogées achéménides, préparés longtemps après l’édification du takht, ne peut communiquer aux palais une destination funéraire, d’ailleurs contredite par les inscriptions cunéiformes.