découvrir les poteaux du télégraphe anglais ; mais la nuit était noire et, à moi ns de se heurter contre eux, il eCIL été difficile de les apercevoir. Dans cette délicate occurrence nous avons mis pied à terre, afin de tenir conseil. « De la discussion naît la lumière », dit un proverbe consolant. L’un restera immobile, l’autre décrira des cercles concentriques de plus en plus grands jusqu’à ce qu’il ait trouvé un indice sauveur. Ce rôle actif est échu à Marcel, en sa qualité de myope.
Depuis une grosse demi-heure mon mari battait la plaine, me hélant sans cesse pour s’assurer que nous étions en communication, et, tout penaud de sa déconvenue, revenait m’engager à m’étendre sur les pierres en attendant le jour, quand il pousse tout à coup un formidable eurêka ! Le vent, qui venait de s’élever avec une certaine violence., avait fait résonner au-dessus de sa tète les fils du télégraphe sous lesquels il était probablement passé plusieurs fois sans les distinguer. Retrouver un poteau n’était plus dès lors une grande affaire. Guidés par les sons éoliens de la harpe d’Albion, nous avons marché toute la nuit de crêtes en ravins, franchissant des amoncellements de rochers que nous n’aurions jamais osé affronter en plein jour, et nous avons enfin reconquis la piste. A l’aube j’ai aperçu dans le lointain la caravane et les toufangtchis.
Je m’apprêtais, en rejoignant nos serviteurs, à les rassurer sur notre sort, mais ils paraissaient s’inquiéter si peu de notre incroyable retard, que je les ai gratifiés au contraire d’une semonce épouvantable pour avoir marché toute la nuit sans songer autrement à leurs bons maîtres.
«
Excellence, vous avez bien tort de nous réprimander durement ; le soin de vos précieuses existences est l’unique souci de vos esclaves. Depuis l’aurore nous interrogeons tous les passants et nous enquérons de l’état sanitaire du pays. Les nouvelles sont mauvaises : la fièvre cet automne a été si meurtrière à Zargoun, que tous les enfants en bas âge sont morts ’et que les grandes personnes, après avoir été décimées, se sont décidées à abandonner le village et à aller camper dans la montagne.
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Faudra-t-il donc parcourir d’une traite les douze farsakhs qui séparent Persépolis de Chiraz ?
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Certainement, Machallcth ! (par Dieu !) Il y a trois mois encore, quand les muletiers sont venus de Chiraz à Ispahan, quelques habitants du village s’obstinaient à rester auprès de leurs récoltes ; mais aujourd’hui il n’y aurait à l’étape ni paille pour les chevaux, ni provision à notre usage. »
La nécessité où il se trouve de faire doubler l’étape à ses chers khaters (mulets) contrarie vivement notre tcharvadar Mïrim (Partons-Nous), ainsi baptisé depuis notre séjour à Persépolis. Comme ces amours d’enfants que leur mère amène faire des visites et qui ne manquent jamais de s’écrier au bout de cinq minutes : « Maman, allons-nous-en »,
de même
notre estimable muletier ne pouvait demeurer en paix dans une ruine sans venir tous les quarts d’heure nous engager à prendre le chemin de Chiraz. Le nom de Mïrim lui en est resté. Quant à nos montures, elles ont les jambes trop bien placées pour ne pas être reconnaissantes aux admirateurs des Achéménides d’une longue semaine de repos ; aussi bien ont-elles continué bravement leur marche au delà de Zargoun. L’extrême monotonie du pays, les chauds rayons du soleil de midi, la marche lente des chevaux, m’avaient presque endormie sur le dos de mon bucéphale, quand tout à coup, à travers une étroite échancrure de la montagne, j’ai aperçu, encadrée dans les rochers rougeâtres, une large plaine au milieu de laquelle se détache une ville de forme oblongue, entourée de fortifications et dominée par des coupoles bulbeuses revêtues de faïence colorée. Autour des murs d’enceinte s’étendent des jardins plantés de cyprès aussi noirs et aussi