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Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/94

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Tébersy, il en restât à peine deux cents. On profita de l’état de faiblesse des vaincus pour les griser et, au milieu de la nuit, on les égorgea. Bien peu échappèrent au massacre, ordonné au mépris des articles de la capitulation.

A la nouvelle de cette terrible exécution, les Babys jurèrent de venger leurs martyrs. Mollah Houssein avait été tué pendant le siège ; on lui donna comme successeur Mohammed Ali le Zendjani (natif de Zendjan). Le nouveau chef prit à son tour le titre de Bab, convertit par ses éloquentes prédications la population presque tout entière de sa ville natale, où il jouissait d’une grande influence, et groupa autour de lui les rares fugitifs du camp de Tébersy.

Une émeute, fomentée directement cette fois contre l’autorité royale et les prêtres, ne tarda pas à éclater. A la suite d’un différend survenu entre un Baby et les collecteurs d’impôts, les réformés parcoururent les bazars de Zendjan, appelant leurs coreligionnaires à la révolte ; plus de la moitié de la population se souleva, prit les armes, pénétra dans les maisons des mollahs, incendiant et pillant des quartiers entiers, tandis que Mohammed Ali, chef reconnu de l’insurrection, s’emparait de la forteresse Ali Merdan khan, dans laquelle se trouvaient des fusils et des munitions. Telle fut l’origine d’une lutte qui dura plus d’une année et à la fin de laquelle devaient sombrer les espérances les plus chères des réformateurs.

Le gouverneur, effrayé de l’enthousiasme et du courage des Babys, demanda des troupes à Téhéran. Plusieurs mois se passèrent sans que l’armée royale, forte de dix-huit mille hommes et presque égale en nombre aux insurgés, osât les attaquer de front. Pendant ce temps ceux-ci s’étaient barricadés dans les quartiers voisins de la citadelle, avaient construit des ouvrages de défense appuyés sur les coupoles des mosquées et des caravansérails, et s’étaient exercés à manier les armes trouvées dans la forteresse. L’artillerie leur faisait à peu près défaut : ils ne pouvaient opposer aux huit canons et aux quatre mortiers de l’armée royale que deux pièces sans portée, qu’ils avaient fondues à grand’peine.

Le siège des retranchements babys fut enfin commencé ; pendant plus de vingt jours les assiégés soutinrent avec succès les assauts des troupes royales, mais, obligés bientôt de ménager leurs munitions, ils ne tardèrent pas à perdre du terrain. Le cinquième jour du Ramazan, malgré d’incroyables efforts, les insurgés durent abandonner une partie de leurs positions, et, quelques jours après cet engagement, comme Mohammed Ali donnait l’ordre d’incendier le grand bazar, dans l’espoir de produire une diversion, il tomba mortellement frappé. On l’emporta afin - de cacher sa blessure aux combattants, et à partir de ce moment la maison où il avait été déposé devint le centre d’une résistance si opiniâtre que les chefs de l’armée royale donnèrent l’ordre de la canonner. Une construction de terre ne devait pas résister longtemps aux boulets ; elle s’écroula, ensevelissant sous les décombres tous ses défenseurs. Cependant on retira des ruines Mohammed Ali, mais il ne survécut pas à ses blessures : huit jours après il expirait, encourageant les siens à combattre jusqu’au dernier soupir et leur promettant la vie éternelle en récompense de leur dévouement et de leur courage.

La mort du Bab mit un terme à la lutte ; la démoralisation ne tarda pas à pénétrer dans le cœur des assiégés, et ces hommes, si courageux tant qu’ils avaient considéré leurs chefs comme des saints les menant à la victoire, se déterminèrent à se rendre, à condition qu’ils auraient la vie sauve.

Malgré cette promesse, ils ne furent pas mieux traités que les insurgés du camp de Tébersy : les plus connus furent massacrés immédiatement ; les autres, amenés à Téhéran à coups de fouet, témoignèrent par leurs supplices du triomphe de l’armée royale. La prise de Zendjan avait été aussi meurtrière pour les assiégeants que pour les assiégés. Les troupes régulières, exaspérées de la résistance des révoltés, rasèrent les quelques quartiers encore debout