Page:Diodore de Sicile - Bibliothèque historique, Delahays, 1851.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
DIODORE DE SICILE.

hommes et des dieux. » Ils ont nommé le feu Vulcain, dieu du premier ordre, et qui passe pour contribuer beaucoup à la production et à la perfection des choses. La terre, étant comme le sein qui reçoit les germes de la vie, ils lui donnent le nom de Mère. C’est pour une raison analogue que les Grecs l’appellent Demeter, nom qui diffère peu du mot Ghemeter (terre mère), par lequel on désignait anciennement la terre. C’est pourquoi Orphée a dit : « De tout être la terre est mère et bienfaitrice. » L’eau fut appelée Océan, ce qui veut dire Mère nourrice. Quelques Grecs l’ont pris dans le même sens, comme l’atteste ce vers du poëte : « Océan et Téthys des dieux sont l’origine[1]. »

Pour les Égyptiens l’Océan est le Nil, où, selon eux, les dieux ont pris naissance, parce que de tous les pays du monde l’Égypte est le seul qui ait des villes bâties par les dieux mêmes ; telles sont les villes de Jupiter, d’Hélios, d’Hermès, d’Apollon, de Pan, d’Élithya et plusieurs autres[2]. Enfin, l’air était appelé Minerve[3], qu’ils ont crue fille de Jupiter et toujours vierge[4], parce que l’air est incorruptible, et qu’il s’étend jusqu’au sommet de l’univers ; car Minerve était sortie de la tête de Jupiter. Elle s’appelle aussi Tritogénie, des trois changements que subit la nature dans les trois saisons de l’année, le printemps, l’été et l’hiver. Elle porte aussi le nom de Glaucopis, non parce qu’elle a les yeux bleus, comme quelques Grecs l’ont pensé, mais parce que l’immensité de l’air a un aspect bleu. Ils disent que ces cinq divinités parcourent le monde, apparaissant aux hommes tantôt sous la forme d’animaux sacrés,

  1. Iliade, chant XIV, v. 311.
  2. Ces villes portaient les noms de Diospolis, Héliopolis, Hermopolis, etc.
  3. Les Égyptiens donnaient à Minerve le nom de Nit ou Neïth. Les vestiges de cette dénomination se trouvent dans Nitocris, nom d’une reine célèbre ; et dans Pateneït, nom de l’ami que Solon avait en Égypte.
  4. C’est un fait très-remarquable que l’air conserve toujours à peu près les mêmes proportions d’oxygène, d’azote et d’acide carbonique, quelque immenses que soient les quantités de ces gaz consommées par la respiration des êtres vivants. On peut donc réellement dire que l’air est incorruptible ou non corrompu, ἄφθορος (aphthoros) comme Minerve.