Page:Diodore de Sicile - Bibliothèque historique, Delahays, 1851.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
DIODORE DE SICILE.

son lit s’élargit, envahissant de part et d’autre le continent. Il se divise ensuite ; la branche qui se dirige vers la Lybie est absorbée par des amas de sable d’une incroyable épaisseur, et la branche qui incline vers l’Arabie aboutit à d’immenses marais et à de vastes étangs, dont les bords sont habités par de nombreuses peuplades. Entré dans l’Égypte, où sa largeur est de dix stades et quelquefois moins, il ne suit plus une direction droite, mais forme des flexuosités variables, tantôt à l’orient, tantôt à l’occident, et même parfois vers le midi, en retournant en arrière ; car, les montagnes qui le bordent, et qui constituent une grande partie de ses rives, sont coupées par des anfractuosités et des gorges étroites sur lesquelles le courant se brise ; ainsi arrêté, le courant revient en arrière à travers la plaine, et, arrivé au midi, à un niveau convenable, il reprend sa direction naturelle. Plus considérable qu’aucun autre fleuve, il est aussi le seul dont les eaux coulent sans impétuosité, excepté à l’endroit qu’un appelle les Cataractes. C’est un espace de dix stades, déclive, et qui, resserré entre des rochers escarpés, forme un précipice rapide, hérissé de blocs de pierres et d’écueils menaçants. Le fleuve se brise avec violence contre ces obstacles, et rencontrant des contre-courants, forme des tournants d’eau prodigieux. Tout le milieu est couvert d’écume et remplit d’épouvante ceux qui en approchent. Dans cet endroit, le courant est aussi violent et aussi rapide qu’un trait. À l’époque de la crue du Nil, tout cet espace, hérissé d’écueils, est caché par les eaux, qui le recouvrent ; quelques navigateurs peuvent alors descendre la cataracte en profitant d’un vent contraire, mais aucun ne peut la remonter, car la violence du fleuve l’emporte sur le génie de l’homme. Il existe plusieurs de ces cataractes ; mais la plus grande est celle qui se trouve sur les frontières de l’Éthiopie et de l’Égypte.

XXXIII. Le Nil circonscrit plusieurs îles, surtout du côté de l’Éthiopie. Parmi ces îles il y en a une surtout remarquable par sa grandeur ; elle s’appelle Méroë et renferme une ville du même nom, fondée par Cambyse, qui lui donna le nom