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Page:Diodore de Sicile - Bibliothèque historique, Delahays, 1851.djvu/73

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LIVRE I.

reste, il n’y a dans ces régions ni gelée, ni froid, ni en général aucun indice d’hiver, surtout au moment de la crue du Nil. Et même en accordant qu’il y ait beaucoup de neige en Éthiopie, l’opinion émise n’en serait pas moins entachée d’erreur. Car, tout fleuve provenant de la fonte des neiges donne, sans aucun doute, des exhalaisons froides qui rendent l’air épais et brumeux. Or, le Nil est le seul fleuve autour duquel il ne s’élève ni brouillards ni vapeurs froides qui pourraient épaissir l’air. Suivant Hérodote, la crue est l’état naturel du Nil ; en hiver, le soleil s’avançant vers la Libye[1] attire beaucoup d’humidité qu’il enlève au Nil, ce qui expliquerait pourquoi, contre les lois ordinaires, les eaux de ce fleuve décroissent dans cette saison ; dans l’été, au contraire, le soleil revenant vers l’Ourse, dessèche les fleuves de la Grèce et ceux des autres pays voisins. Envisagé de cette manière, le Nil n’offrirait rien de paradoxal ; on s’expliquerait ainsi le grossissement de ses eaux pendant l’été, et leur diminution pendant l’hiver. Mais on peut objecter à Hérodote, que si le soleil attire et dessèche les eaux du Nil à l’époque de l’hiver, il doit de même diminuer les fleuves de la Lybie. Or, comme rien de tout cela n’arrive pour les fleuves de la Lybie, cet historien fait évidemment une supposition gratuite. D’ailleurs les fleuves de la Grèce grossissent en hiver, non parce que le soleil est plus éloigné, mais à cause de l’abondance des pluies.

XXXIX. Suivant Démocrite d’Abdère, il ne neige jamais (contrairement à ce qu’avancent Euripide et Anaxagore) dans le climat méridional, mais bien dans les régions voisines de l’Ourse ; et cela est évident pour tout le monde. Cette masse de neige qui tombe dans les contrées septentrionales reste sous forme compacte à l’époque du solstice d’hiver[2] ; mais ces glaces

  1. Ἥλιον ϰατὰ τὴν Λιβύην φερόμενον… Miot me semble avoir inexactement rendu ce passage par « le soleil se trouvant perpendiculaire à la Libye. » En hiver, le soleil entrant dans le signe du Capricorne, s’éloigne en apparence de l’Égypte, et s’avance vers la partie de la Libye Ἥλιον ϰατὰ τὴν Λιβύην φερόμενον située au delà de l’équateur. L’opinion ancienne que le soleil attire les eaux du Nil est assez remarquable : elle ressemble à l’opinion moderne qui attribue à la lune le phénomène de la marée.
  2. Tous les interprètes et commentateurs me paraissent avoir mal compris ce