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Page:Diogène Laërce - Vies, édition Lefèvre,1840.djvu/108

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ARISTIPPE.

puisqu’ils appellent la fin un plaisir particulier, et font consister la vie heureuse ou le bonheur dans l’assemblage de tous les plaisirs particuliers, tant de ceux qui sont passés que de ceux qu’on peut recevoir encore; ils disent que le plaisir particulier est desirable pour lui-même, et qu’au contraire la félicité n’est point à souhaiter pour elle-même, mais à cause des plaisirs particuliers qui en résultent. Ils ajoutent que le sentiment nous prouve que le plaisir doit être notre fin, puisque la nature nous y porte dès l’enfance; que nous nous y laissons entraîner sans jugement, et que, lorsque nous le possédons, nous ne souhaitons rien outre la jouissance que nous en avons, au lieu que nous avons pour la douleur une répugnance naturelle qui nous porte à l’éviter. Ils disent encore, comme le rapporte Hippobote, dans son livre des Sectes, que le plaisir est un bien, lors même qu’il naît d’une choses déshonnête, et que le caractère honteux de la cause qui le produit n'empêche pas qu’on ne doive le regarder comme un bien. Au reste, ils ne croient pas, comme Épicure, que la privation de la douleur soit un bien, ni la privation du plaisir un mal, parceque le plaisir et la douleur consistent dans un mouvement de l’ame[1], et qu’être sans douleur, c’est être comme dans l’état d’un homme qui dort. Ils disent qu’il se peut qu’il y ait des personnes qui, dans une aliénation d’esprit, n’ont aucun goût pour le plaisir. Ils ne font pourtant pas consister tout plaisir et toute douleur dans des sensations corporelles, convenant qu’un homme peut concevoir de la joie, ou d’un bonheur qui arrivera à sa patrie, ou à cause de quelque avantage qui le regardera personnellement; mais ils ne conviennent pas que le souvenir ou l’attente d’un bien puisse créer du plaisir, ce qui est l’opinion d’Épicure; et ils se fondent sur ce que le temps dissipe le mouvement de l’ame. Outre cela, ils di-

  1. Autrement, dans les sensations.