Page:Diogène Laërce - Vies, édition Lefèvre,1840.djvu/429

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venait à mourir bientôt, elle ne pourrait pas assister à la prochaine fête de Cérès. Démocrite l’encouragea, se fit apporter tous les jours des pains chauds qu’il approchait de ses narines, et se conserva par ce moyen la vie aussi longtemps que dura la fête. Les trois jours de solennité étant expirés, il rendit l’esprit avec beaucoup de tranquillité, dans la quatre-vingt-dix-neuvième année de son âge, dit Hipparque. Ces vers sont les nôtres à son occasion :

Quel est le sage dont le savoir approcha jamais de celui de Démocrite, à qui rien ne fut caché? La mort s’avance, il l’arrête, il la retarde de trois jours, en respirant la vapeur de pains chauds.

Passons de la vie de ce grand homme à ses sentiments. Il admettait pour principes de l’univers les atomes et le vide, rejetant tout le reste comme fondé sur des conjectures. Il croyait qu’il y a des mondes à l’infini, qu’ils ont un commencement, et qu’ils sont sujets è corruption; que rien ne se fait de rien, ni ne s’anéantit; que les atomes sont infinis par rapport à la grandeur et au nombre; qu’ils se meuvent en tourbillon, et que de là proviennent toutes les concrétions, le feu, l’eau l’air, et la terre; que ces matières sont des assemblages d’atomes; que leur solidité les rend impénétrables, et fait qu’ils ne peuvent être détruits; que le soleil et la lune sont formés par les mouvements et les circuits grossis de ces masses agitées en tourbillon; que l’ame, qu’il dit être la même chose que l’esprit, est un composé de même nature; que l’intuition se fait par des objets qui tombent sous son action; que tout s’opère absolument par la raison du mouvement de tourbillon qui est le principe de la génération, et qu’il appelle nécessité; que la fin de nos actions est la tranquillité d’esprit, non celle qu’on peut confondre avec la volupté, comme quelques uns l’ont mal compris; mais celle qui met l’ame dans un état de parfait repos; de manière que, constamment satisfaite, elle n’est troublée,