Page:Diogène Laërce - Vies, édition Lefèvre,1840.djvu/486

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pas concevable qu’elle conserve le sentiment, n’étant plus dans la même situation qui lui donnait les mouvements qu’elle a à présent, parce que les choses dont elle est environnée et revêtue ne sont pas semblables à celles par le moyen desquelles elle a maintenant ses mouvements.

« Épicure enseigne encore la même doctrine dans d’autres endroits, et ajoute que l’âme est composée d’atomes ronds et légers, fort différents de ceux du feu ; que la partie irraisonnable de l’âme est dispersée dans tout le corps, et que la partie raisonnable réside dans la poitrine : ce qui est d’autant plus évident que c’est là où la crainte et la joie se font sentir.

« Le sommeil est l’effet de la lassitude qu’éprouvent les parties de l’âme qui sont dispersées dans le corps, ou de celles qui y sont retenues ou y errent et tombent avec celles parmi lesquelles elles sont répandues. La vertu générative provient de toutes les parties du corps ;

[67] « et il faut prendre garde à ce que dit Épicure, qu’elle n’est point incorporelle : car il prend seulement le mot d’incorporel comme un terme en usage, et non comme voulant dire qu’il y ait quelque chose d’incorporel considéré en lui-même, vu que rien n’est par lui-même incorporel, hormis le vide, lequel aussi ne peut ni agir ni recevoir d’action ; il ne fait que laisser un libre cours aux corps qui s’y meuvent. De là il suit que ceux qui disent que l’âme est incorporelle s’écartent du bon sens, puisque, si cela était, elle ne pourrait ni avoir d’action ni recevoir de sentiment. Or nous voyons clairement que l’un et l’autre de ces accidents ont lieu par rapport à l’âme.

[68] « Si on applique tous ces raisonnements à la nature de l’âme, aux passions et aux sensations, en se souvenant de ce qui a été dit dans le commencement, on connaîtra assez les idées qui sont comprises sous cette description pour pouvoir se conduire sûrement dans l’examen de chaque partie de ce sujet.

« On ne doit pas croire que les figures, les couleurs, les grandeurs, la pesanteur et les autres qualités qu’on donne à tous les corps visibles et connus par les sens, aient une existence par eux-mêmes, [69] puisque cela ne se peut concevoir. On ne doit point les considérer comme un tout, en quel sens ils n’existent pas, ni comme des choses incorporelles résidantes dans le corps, ni comme des parties du corps. Il ne faut les envisager que comme des choses en vertu desquelles le corps a une essence constante, et non pas comme si elles y étaient nécessairement comprises. On ne doit pas les regarder sur le même pied que s’il en résultait un plus grand assemblage d’