Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il disait que, de même qu’il y a toujours dans la grenade quelque grain gâté, de même aussi il est impossible de trouver un homme complétement irréprochable.

Un joueur de harpe nommé Nicodromus, irrité par lui, lui meurtrit le visage ; Cratès s’en vengea en se mettant sur le front un écriteau avec ces mots : Présent de Nicodromus.

Il était sans cesse à poursuivre de reproches les prostituées, afin de s’habituer à recevoir des injures. Démétrius de Phalère lui ayant envoyé du pain et du vin, il répondit ironiquement : « Plût aux dieux que les fontaines donnassent aussi du pain ! » ce qui indique qu’il buvait de l’eau. Blâmé par les édiles d’Athènes de ce qu’il s’habillait de toile, il leur dit : « Je vous ferai voir Théophraste lui-même vêtu de toile. » Comme ils refusaient de le croire, il les mena à la boutique d’un barbier et le leur montra pendant qu’on le rasait.

À Thèbes, le maître du gymnase le frappa un jour à coups de fouet et le traîna par les pieds. Pendant ce temps Cratès lui débita fort tranquillement ce vers :

Il le prit par le pied et le traîna hors du sanctuaire[1].

D’autres prétendent que c’est à Corinthe qu’il fut traité ainsi par Euthycrate. Dioclès dit de son côté que ce fut Ménédème d’Erétrie qui le traîna par les pieds. Ménédème, dit-il, était d’une beauté remarquable, et passait à ce titre pour être au service d’Asclépiade de Phlionte. Un jour Cratès lui toucha les cuisses en disant : « Entre, Asclépiade ; » ce qui l’irrita tellement qu’il traîna Cratès dehors, et ce fut là l’occasion de

  1. Homère, Iliade, I, 591.