Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/348

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cela ; il comparait, au contraire, aux quatre-drachmes d’Athènes les discours moins soignés, et disait que s’ils étaient grossiers et mal frappés, ils l’emportaient néanmoins dans la balance sur ceux qui étaient polis et limés avec soin.

Un jour qu’Ariston, son disciple, discourait sans réflexion, à tort et à travers, il lui dit : « Sans doute ton père t’a engendré dans un moment d’ivresse. » Il l’avait aussi surnommé le bavard ; car il était lui-même fort laconique.

Il dînait un jour en compagnie d’un gourmand qui avait coutume de tout dévorer sans rien laisser aux autres ; au moment où l’on servit un gros poisson, Zénon le tira à lui et fit mine de le manger tout entier ; le gourmand le regarda tout étonné : « De quel œil crois-tu donc, lui dit Zénon, que l’on voie ta gourmandise de chaque jour, si tu ne peux une seule fois supporter la mienne ? »

Un jeune garçon faisait des questions au-dessus de son âge ; il le conduisit devant un miroir, lui dit de se regarder, et lui demanda ensuite s’il croyait que de pareilles questions convinssent à ce qu’il voyait. Une autre fois quelqu’un dit devant lui qu’en général il n’approuvait pas les doctrines d’Antisthène : Zénon lui cita une maxime de Sophocle appropriée à la circonstance, et lui demanda si, dans Antisthène, il ne trouvait rien de bien : « Je ne sais, dit l’autre. — N’as-tu pas honte, reprit alors Zénon, d’étudier et de te rappeler ce qu’Antisthène peut avoir dit de mal, sans t’inquiéter de ce qu’il peut avoir dit de bien ? »

Un autre lui disait qu’il trouvait les discours des philosophes fort laconiques ; « Tu as raison, répondit-il ; il faudrait même, s’il était possible, qu’ils abrégeassent jusqu’à leurs syllabes. »