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Page:Discours Noblanc 1939.djvu/5

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me permette en cette circonstance de rompre avec mes principes. Nulle science n’est plus expérimentale que l’astrophysique et c’est en très grande partie à l’observation que sont dûs les énormes progrès qu’elle a réalisés depuis le début du siècle : savez-vous qu’il y a cinquante ans on ne connaissait de façon précise que les dimensions ridiculement exigues du système solaire qui, par rapport à la portion actuellement explorée de l’univers, est l’analogue d’un centième de millimètre comparé au tour de la terre ?

Quel mode de locomotion employer pour notre voyage ? On a beaucoup parlé de l’avion interplanétaire : il n’existe encore que dans l’imagination de quelques romanciers ; nul doute qu’on n’arrive un jour à le mettre au point. Sa nécessité absolue ne se fera d’ailleurs sentir que dans quelques milliards de siècles. Il ne sera probablement pas un aérostat ordinaire, dirigeable ou aéroplane ; de nombreuses raisons s’y opposent et en particulier l’absence d’atmosphère à cent kilomètres au-dessus du sol terrestre. Il est donc indispensable de chercher dans une autre direction ; une idée se fait actuellement jour : la fusée. Des explorateurs seront lancés à une vitesse suffisante pour atteindre et dépasser légèrement le point où l’attraction de la Terre et celle de la Lune se font équi­libre. Une fois cette région occupée, le problème est résolu : les aéronautes déploient leur parachute et se laissent tomber sur l’astre visé ! Mais nos voyageurs seront-ils à ce moment en état de se livrer à cette nouvelle manœuvre ? N’auront-ils pas été réduits en miettes au moment de l’explosion qui aura provoqué leur départ de notre planète ? D’aucuns proposent de fixer le véhicule explo­rateur à la périphérie d’une roue géante dont la vitesse de rotation, faible d’abord, croîtrait progressivement ; après quelques tours pendant lesquels ses occupants éprouveraient des sensations pour le moins inattendues, le véhicule lâché filerait suivant la tangente. Malheureusement, outre la complexité des conditions mécaniques que pose cette conception, combien de problèmes physiologiques au moins aussi ardus que le précédent nos inventeurs devront-ils résoudre ? Le ravitaillement des voyageurs en oxygène, leur lutte contre le froid des régions intersidérales où la température est sans doute voisine de deux cent soixante-dix degrès au-dessous de zéro, la variation de leur poids et même sa suppression totale dans les régions où les attractions exercées par la Terre et par l’astre visé se