Page:Discours de Garcin de Tassy, 1857.djvu/9

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mosquée aux murs de granit rouge, nommée Jâmi’ Masjid, si toutefois elle est restée debout après l’assaut qu’elle a soutenu à la prise de la capitale de l’Inde. D’un autre côté, l’archevêque de Cantorbéry demande l’érection de trois autres évêchés : un à Lahore pour le Penjab, un à Agra pour les provinces nord-ouest, et un à Tinnevelly pour le Carnatic méridional. Au surplus les missionnaires tant catholiques que protestants rivalisent de zèle ; les premiers convertissent plutôt les Hindous, et les seconds les musulmans, à cause de la répugnance de ceux-ci pour les statues et les images.

Les causes immédiates de l’insurrection ne sont-elles pas simplement les cartouches graissées dont l’usage faisait perdre aux Indiens leur caste, et la récente annexion du royaume d’Aoude, quoique néanmoins dans la hiérarchie de l’Inde le roi d’Aoude ne fût en réalité qu’un nabab et un vizir des provinces, et que sa qualité de Roi ne fût pas reconnue par le descendant légitime de Timur et d’Akbar qui siégeait sur le trône nominal de Delhi ? C’est à l’occasion de ces cartouches néfastes que les journaux de l’Inde, organes des mécontents, profitant de la liberté illimitée de la presse qui existait avant l’insurrection, excitèrent les Indiens à refuser de s’en servir, parce que, disaient-ils, le gouvernement anglais voulait les forcer à faire par là acte de christianisme. Prétexte ou réalité, on doit déplorer l’imprudence de ceux qui ont cru qu’on pouvait sans péril fouler aux pieds les préjugés qui constituent l’essence même de la religion des Indiens.

Quoi qu’il en soit, un mouvement insurrectionnel s’est manifesté cette année presque partout dans l’Inde. Ce fut, vous le savez, Messieurs, au commencement du mois de mai que les premiers régiments de sipahis se révoltèrent à Mirât. De là ils se portèrent vers Delhi qu’ils prirent. L’opération fut dirigée par les musulmans, les anciens conquérants et maîtres de l’Inde, que leur énergie devait d’ailleurs placer naturellement à la tête de l’insurrection. Ils rétablirent le trône du Grand Mogol, ils reconnurent pour l’Asile du khalifat et les Hindous pour « nouveau roi », Nau Râjâ, le même sultan à qui la Compagnie des Indes avait laissé le titre de padschâh, relevé par une allocation annuelle pour lui et sa famille de près de cent cinquante mille livres st. (3,750,000 fr.), c’est à savoir Sirâj uddin (la Lampe de la religion) Muhammad Bahâdur Schâh Sâni[1],

  1. C’est-à-dire « Second ». Le premier souverain mogol de ce nom, plus