Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/110

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de grands monumens, avec des extravagances puériles, il me semble infiniment plus naturel d’en conclure que les prêtres égyptiens n’avaient point d’histoire; qu’inférieurs encore a ceux des Indes, ils n’avaient pas même de fables convenues et suivies; qu’ils gardaient seulement des listes plus ou moins fautives de leurs rois et quelques souvenirs des principaux d’entre eux, de ceux surtout qui avaient eu le soin de faire inscrire leurs noms sur les temples et les autres grands ouvrages qui décoraient le pays; mais que ces souvenirs étaient confus, qu’ils ne reposaient guères que sur les explications traditionnelles que l'on donnait aux représentations peintes ou sculptées sur les monumens, explications fondées seulement sur des inscriptions hiéroglyphiques conçues, comme celles dont nous avons une traduction[1], en termes très-généraux, et qui, passant de bouche en bouche, s’altéraient, quant aux détails, au gré de ceux qui les communiquaient aux étrangers ; et qu’il est par conséquent impossible d’asseoir aucune proposition relative à l’antiquité des continens actuels sur les lambeaux de ces traditions, déjà si incomplètes dans leur temps, et devenues tout-à-fait méconnaissables sous la plume de ceux qui nous les ont transmises.

Si cette assertion avait besoin d’autres preuves, elles se trouveraient dans la liste des ouvrages sacrés d’Hermès, que les prêtres égyptiens portaient dans leurs processions solennelles. Clément d’Alexandrie[2] nous les nomme tous au nombre de quarante-deux, et il ne s’y trouve pas même, comme chez les bramines, une épopée ou un livre qui ait la prétention d’être un récit, de fixer d’une manière quelconque aucune grande action, aucun événement.

Les belles recherches de M. Champollion le jeune, et ses étonnantes découvertes sur la langue des Hiéroglyphes[3] confirment ces conjectures, loin de les détruire. Cet ingénieux antiquaire a lu,

  1. Celle de Rhamestès dans Ammien, loc. cit.
  2. Stromat., lib. VI, page 633.
  3. Voyez le Précis du Système hiéroglyphique des anciens Egyptiens, par M. Champollion le jeune, page 245, et sa Lettre à M. le duc de Blacas, pages 15 et suivantes.