Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/112

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relief d’Abydos, et son accord soit avec la partie des listes de Manéthon qui paraît lui correspondre, soit avec les autres inscriptions hiéroglyphiques, il en résulterait déjà cette conséquence que la prétendue dix-huitième dynastie, la première sur laquelle les anciens chronologistes commencent à s’accorder un peu, est aussi la première qui ait laissé sur les monumens des traces de son existence. Manéthon a pu consulter ce document et d’autres semblables ; mais il n’en est pas moins sensible qu’une liste, une série de noms ou de portraits comme il y en a partout, est loin d'être une histoire.

Ce qui est prouvé et connu pour les Indiens, ce que je viens de rendre si vraisemblable pour les habitans de la vallée du Nil, ne doit-on pas le présumer aussi pour ceux des vallées de l’Euphrate et du Tigre ? Etablis, comme les Indiens[1], comme les Egyptiens, sur une grande route du commerce, dans de vastes plaines qu’ils avaient été obligés de couper de nombreux canaux, instruits comme eux par des prêtres héréditaires, dépositaires prétendus de livres secrets, possesseurs privilégiés des sciences, astrologues, constructeurs de pyramides et d’autres grands monumens[2], ne devaient-ils pas leur ressembler aussi sur d’autres points essentiels ? leur histoire ne devait-elle pas également se réduire à des légendes ? J’ose presque dire, non seulement que cela est probable, mais que cela est démontré par le fait.

Ni Moïse ni Homère ne nous parlent encore d’un grand Empire dans la Haute-Asie. Hérodote[3] n’attribue à la suprématie des Assyriens que cinq cent vingt ans de durée, et n’en fait remonter l’origine qu’environ huit siècles avant lui. Après avoir été à Babylone, et en avoir consulté les prêtres, il n’en a pas même appris le nom de Ninus, comme roi des Assyriens, et n’en parle que comme du père

  1. Toute l’ancienne mythologie des Bramines se rapporte aux plaines ou coule le Gange, et c’est évidemment là qu’ils ont fait leurs premiers établissemens.
  2. Les descriptions des anciens monumens chaldéens ressemblent beaucoup à ce que nous voyons de ceux des Indiens et des Égyptiens ; mais ces monumens ne sont pas conservés de même, parce qu’ils n’étaient construits qu’en briques séchées au soleil.
  3. Clio, cap. XVC.