Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/179

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Les pachydermes cependant y dominaient encore, mais des pachydermes gigantesques, des éléphans, des rhinocéros, des hippopotames, accompagnés d’innombrables chevaux et de plusieurs grands ruminans. Des carnassiers de la taille du lion, du tigre, de l’hyène désolaient ce nouveau règne animal. En général, son caractère, même dans l’extrême nord et sur les bords de la mer Glaciale d’aujourd’hui, ressemblait à celui que la seule zone torride nous offre maintenant, et toutefois aucune espèce n’y était absolument la même.

Parmi ces animaux se montrait surtout l’éléphant appelé mammouth par les Russes (Elephas Primigenius. Blumenb.), haut de quinze et dix-huit pieds, couvert d’une laine grossière et rousse, et de longs poils roides et noirs qui lui formaient une crinière le long du dos ; ses énormes défenses étaient implantées dans des alvéoles plus longs que ceux des éléphans de nos jours ; mais du reste il ressemblait assez à l’éléphant des Indes[1]. Il a laissé des milliers de ses cadavres, depuis l’Espagne jusqu’aux rivages de la Sibérie, et l’on en retrouve dans toute l’Amérique septentrionale, en sorte qu’il était répandu des deux côtés de l’Océan, si toutefois l’Océan existait de son temps à la place où il est aujourd’hui. Chacun sait que ses défenses sont encore si bien conservées dans les pays froids, qu’on les emploie aux mêmes usages que l’ivoire frais ; et comme nous l’avons fait remarquer précédemment, on en a trouvé des individus avec leur chair, leur peau et leurs poils, qui étaient demeurés gelés depuis la dernière catastrophe du globe. Les Tartares et les Chinois ont imaginé que c’est un animal qui vit sous terre, et qui périt sitôt qu’il aperçoit le jour.

Après lui, et presque son égal, venait aussi dans les pays qui forment les deux continens actuels, le mastodonte à dents étroites, semblable à l’éléphant, armé comme lui d’énormes défenses, mais de défenses revêtues d’émail, plus bas sur jambes, et dont les mâchelières, mamelonnées et revêtues d’un émail épais et brillant, ont

  1. Voyez mes Recherches sur les ossemens fossiles, tome I, pages 75 à 195 et 335 ; tome III, pages 371 et 405 ; tome IV, page 491.