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dit pas avoir été témoin de leurs combats, ni avoir vu de ces serpens ailés dans leur état d’intégrité. Tout son témoignage se réduit donc à avoir observé un amas d’ossemens, qui peuvent très-bien avoir été ceux de cette multitude de reptiles et d’autres animaux que l’inondation fait périr chaque année, dont elle doit naturellement transporter les cadavres jusqu’aux endroits où elle s’arrête, jusqu’aux bords du désert, et qui doivent s’accumuler de préférence dans une gorge étroite.

Cependant c’est également d’après cette idée des combats de l’ibis contre les serpens que Cicéron donne à cet oiseau un bec corné et fort[1]. N’ayant jamais été en Égypte, il se figurait que cela devait être ainsi par simple analogie.

Je sais que Strabon dit quelque part que l’ibis ressemble à la cigogne par la forme et par la grandeur[2], et que cet auteur devait bien le connaître, puisqu’il assure que de son temps les rues et les carrefours d’Alexandrie en étaient tellement remplis, qu’il en résultait une grande incommodité ; mais il en aura parlé de mémoire. Son témoignage ne peut être recevable lorsqu’il contrarie tous les autres, et surtout lorsque l’oiseau lui-même est là pour le démentir.

C’est ainsi que je ne m’inquiéterai guère non plus du passage où Elien rapporte[3], d’après les embaumeurs égyptiens, que les intestins de l’ibis ont quatre-vingt-seize coudées de longueur. Les prêtres égyptiens de toutes les classes ont dit tant d’extravagances sur l’histoire naturelle, qu’on ne peut pas faire grand cas de ce que rapportait l’une de leurs classes les plus inférieures.

On pourrait encore me faire une objection tirée des longues plumes effilées et noires qui recouvrent le croupion de notre oiseau, et dont on voit aussi quelques traces dans la figure de l’abou hannès de Bruce.

Les anciens, dira-t-on, n’en parlent point dans leurs descriptions,

  1. Avis excelsa, cruribus rigidis, corneo proceroque rostro. Cic., de Nat. deor., lib. I.
  2. Strab., lib. XVII.
  3. Ælian., anim., lib. X, cap. XXIX.