Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/23

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mêmes eaux tombent en cataractes. Les couches déchirées, en montrant d’un côté leur tranchant à pic, présentent de l’autre obliquement de grandes portions de leur surface : elles ne correspondent point pour leur hauteur ; mais celles qui, d’un côté, forment le sommet de l’escarpement, s’enfoncent de l’autre et ne reparaissent plus.

Cependant, au milieu de tout ce désordre, de grands naturalistes sont parvenus à démontrer qu’il règne encore un certain ordre, et que ces bancs immenses, tout brisés et renversés qu’ils sont, observent entre eux une succession qui est à peu près la même dans toutes les grandes chaînes. Le granit, disent-ils, dont les crêtes centrales de la plupart de ces chaînes sont composées, le granit qui dépasse tout, est aussi la pierre qui s’enfonce sous toutes les autres, c’est la plus ancienne de celles qu’il nous ait été donné de voir dans la place que lui assigna la nature, soit qu’elle doive son origine à un liquide général qui, auparavant, aurait tout tenu en dissolution, soit qu’elle ait été la première fixée par le refroidissement d’une grande masse en fusion ou même en évaporation[1]. Des roches feuilletées s’appuient sur ses flancs, et forment les crêtes latérales de ces grandes chaînes ; des schistes, des porphyres, des grès, des roches talqueuses se mêlent à leurs couches ; enfin des marbres à grains salins, et d’autres calcaires sans coquilles, s’appuyant sur les schistes, forment les crêtes extérieures, les échelons inférieurs, les contreforts de ces chaînes, et sont le dernier ouvrage par lequel ce liquide inconnu, cette mer sans habitans semblait préparer des matériaux aux mollusques et aux zoophytes, qui bientôt devaient déposer sur ce fonds d’immenses amas de leurs coquilles ou de leurs coraux. On voit même les premiers produits de ces mollusques, de ces zoophytes, se mon-

  1. La conjecture de M. le marquis de Laplace, que les matériaux dont se compo-e le globe ont pu être d’abord sous forme élastique, et avoir pris successivement en se refroidissant la consistance liquide, et enfin s’être solidifiés, est bien renforcée par les expériences récentes de M. Mitcherlich, qui a composé de toutes pièces et fait cristalliser par le feu des hauts fourneaux plusieurs des espèces minérales qui entrent dans la composition des montagnes primitives.