Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/25

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terrains secondaires, séparés par des vallées profondes ou même par des bras de mer, des pics ou des crêtes d’où ces blocs peuvent être venus : il faut ou que des éruptions les y aient lancés, ou que les profondeurs qui eussent arrêté leur cours n’existassent pas à l’époque de leur transport, ou bien enfin que les mouvemens des eaux qui les ont transportés passassent en violence tout ce que nous pouvons imaginer aujourd’hui[1].

Voilà donc un ensemble de faits, une suite d’époques antérieures au temps présent, dont la succession peut se vérifier sans incertitude, quoique la durée de leurs intervalles ne puisse se définir avec pré-

  1. Les Voyages de Saussure et de Deluc présentent une foule de ces sortes de faits ; et ce sont ces géologistes qui ont jugé qu’ils ne pouvaient guère avoir été produits que par d’énormes éruptions. MM. de Buch et Esclier s’en sont occupés plus récemment. Le Mémoire de ce dernier, inséré dans la Nouvelle Alpina de Stein-Mïdler, tome 1 er., en présente surtout l’ensemble d’une manière remarquable, dont voici à peu près le résumé : ceux de ces blocs qui sont épars dans les parties basses de la Suisse ou de la Lombardie viennent des Alpes, et sont descendus le long de leurs vallées. Il y en a partout, et de toute grandeur, jusqu’à celle de cinquante mille pieds cubes, dans la grande étendue qui sépare les Alpes du Jura, et il s’en élève sur les pentes du Jura qui regardent les Alpes jusqu’à des bailleurs de quatre mille pieds au-dessus du niveau de la mer ; ils sont à la surface ou dans les courbes superficielles de débris, mais non dans celles de grès, de molasses ou de poudingues qui remplissent presque partout l’intervalle en question : on les trouve tantôt isolés, tantôt en amas : la hauteur de leur situation est indépendante de leur grosseur : les petits seulement paraissent quelquefois un peu usés : les grands ne le sont point du tout. Ceux qui appartiennent au bassin de chaque rivière se sont trouvés, à l’examen, de la même nature que les montagnes des sommets ou des flancs des hautes vallées d’où naissent les affluens de cette rivière : on en voit déjà dans ces vallées, et ils y sont surtout accumulés aux endroits qui précèdent quelques rétrécissemens : il en a passé par dessus les cols lorsqu’ils n’avaient pas plus de quatre mille pieds ; et alors on en voit sur les revers des crêtes dans les cantons d’entre les Alpes et le Jura, et sur le Jura même : c’est vis-à-vis les débouchés des vallées des Alpes que l’on en voit le plus et de plus élevés ; ceux des intervalles se sont portés moins haut : dans les chaînes du Jura, plus éloignées des Alpes, il ne s’en trouve qu’aux endroits placés vis-à-vis des ouvertures des chaînes plus rapprochées. De ces faits, l’auteur tire cette conclusion : que le transport de ces blocs a eu lieu depuis que les grès et les poudingues ont été déposés ; qu’il a été occasioné peut-être par la dernière des révolutions du globe. Il compare ce transport à ce qui a encore lieu de la part des torrens ; mais l’objection de la grandeur des blocs et celle des vallées profondes par-dessus lesquelles ils ont dû passer, nous paraissent conserver une grande force contre cette partie de son hypothèse.