Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/33

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Causes astronomiques constantesLe pôle de la terre se meut dans un cercle autour du pôle de l’écliptique ; son axe s'incline plus ou moins sur le plan de cette même écliptique ; mais ces deux mouvemens, dont les causes sont aujourd’hui appréciées, s’exécutent dans les directions des limites connues, et qui n’ont nulle proportion avec des effets tels que ceux dont nous venons de constater la grandeur. Dans tous les cas, leur lenteur excessive empêcherait qu’ils ne pussent expliquer des catastrophes que nous venons de prouver avoir été subites.

Ce dernier raisonnement s’applique à toutes les actions lentes que l’on a imaginées, sans doute dans l’espoir que l’on ne pourrait en nier l’existence, parce qu’il serait toujours facile de soutenir que leur lenteur même les rend imperceptibles. Vraies ou non, peu importe ; elles n’expliquent rien, puisque aucune cause lente ne peut avoir produit des effets subits. Y eût-il donc une diminution graduelle des eaux, la mer transportât-elle dans tous les sens des matières solides, la température du globe diminuât ou augmentât-elle, ce n’est rien de tout cela qui a renversé nos couches, qui a revêtu de glace de grands quadrupèdes avec leur chair et leur peau, qui a mis à sec des coquillages aujourd’hui encore aussi bien conservés que si on les eût péchés vivans, qui a détruit enfin des espèces et des genres entiers. Ces argumens ont frappé le plus grand nombre des naturalistes ; et, parmi ceux qui ont cherché à expliquer l’état actuel du globe, il n’en est presque aucun qui l’ait attribué en entier à des causes lentes, encore moins à des causes agissant sous nos yeux. Cette nécessité où ils se sont vus de chercher des causes différentes de celles que nous voyons agir aujourd’hui, est même ce qui leur a fait imaginer tant de suppositions extraordinaires, et les a fait errer et se perdre en tant de sens contraires, que le nom même de leur science, ainsi que je l’ai dit ailleurs, a été long-temps un sujet de moquerie pour quelques personnes prévenues qui ne voyaient que les systèmes qu’elle a fait éclore, et qui oubliaient la longue et importante série des faits certains qu’elle a fait connaître[1].

  1. Lorsque j’ai dit cela, j’ai énoncé un fait dont on est chaque jour témoin ; mais je n’ai