Anciens systèmes des géologistes.Pendant long-temps on n’admit que deux événemens, que deux
époques de mutations sur le globe : la création et le déluge ; et tout
les efforts des géologistes tendirent à expliquer l’état actuel, en imaginant
un certain état primitif, modifié ensuite par le déluge, dont
chacun imaginait aussi à sa manière les causes, l’action et les
effets.
Ainsi, selon l’un[1], la terre avait reçu d’abord une croûte égale
et légère qui recouvrait l’abîme des mers, et qui se creva pour produire
le déluge : ses débris formèrent les montagnes. Selon l’autre
[2], le déluge fut occasioné par une suspension momentanée de
la cohésion dans les minéraux : toute la masse du globe fut dissoute,
et la pâte en fut pénétrée par les coquilles. Selon un troisième[3]
Dieu souleva les montagnes pour faire écouler les eaux qui avaient
produit le déluge, et les prit dans les endroits où il y avait le plus de
pierres, parce qu’autrement elles n’auraient pu se soutenir. Un quatrième[4] créa la terre avec l’atmosphère d’une comète, et la fit
inonder par la queue d’une autre : la chaleur qui lui restait de sa
première origine fut ce qui excita tous les êtres vivans au péché ;
aussi furent-ils tous noyés, excepté les poissons, qui avaient apparemment
les passions moins vives.
On voit que, tout en se retranchant dans les limites fixées par la Genèse, les naturalistes se donnaient encore une carrière assez vaste : ils se trouvèrent bientôt à l’étroit ; et, quand ils eurent réussi à faire envisager les six jours de la création comme autant de périodes indéfinies, les siècles ne leur coûtant plus rien, leurs systèmes prirent un essor proportionné aux espaces dont ils purent disposer. Le grand Leibnitz lui-même s’amusa à faire, comme Descartes,
- ↑ Burnel. Telluris Tlieoria sacra. Lond. 1681.
- ↑ Woodward. Essay towards the natural history of the Earth. Lond. 1702.
- ↑ Scheuchzer. Mém. de l’Acad. 1708.
- ↑ Whislon. A New Theory of the Earth. Lond. 1708.
pas prétendu exprimer ma propre opinion, comme des géologistes estimables ont paru le croire. Si quelque équivoque dans ma phrase a été la cause de leur erreur, je leur en fais ici mes excuses.