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Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/36

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rien, ont converti de leur côté cette eau en argile ; mais ces deux terres, à force d’être dépouillées des caractères que la vie leur avait imprimés, se résolvent, en dernière analyse, en silice ; et voilà pourquoi les plus anciennes montagnes sont plus siliceuses que les autres. Toutes les parties solides de la terre doivent donc leur naissance à la vie, et sans la vie le globe serait encore entièrement liquide[1].

D’autres écrivains ont donné la préférence aux idées de Képler : comme ce grand astronome, ils accordent au globe lui-même les facultés vitales ; un fluide, selon eux, y circule ; une assimilation s’y fait aussi-bien que dans les corps animés ; chacune de ses parties est vivante ; il n’est pas jusqu’aux molécules les plus élémentaires qui n’aient un instinct, une volonté ; qui ne s’attirent et ne se repoussent d’après des antipathies et des sympathies : chaque sorte de minéral peut convertir des masses immenses en sa propre nature, comme nous convertissons nos alimens en chair et en sang ; les montagnes sont les organes de la respiration du globe, et les schistes ses organes sécrétoires ; c’est par ceux-ci qu’il décompose l’eau de la mer pour engendrer les déjections volcaniques ; les filons enfin sont des caries, des abcès du règne minéral, et les métaux un produit de pouriture et de maladie : voilà pourquoi ils sentent presque tous mauvais[2].

Plus nouvellement encore, une philosophie qui substitue des métaphores aux raisonnemens, partant du système de l’identité absolue ou du panthéisme, fait naître tous les phénomènes ou, ce qui est à ses yeux la même chose, tous les êtres par polarisation comme les deux électricités, et appelant polarisation toute opposition, toute différence, soit qu’on la prenne de la situation, de la nature, ou des fonctions, elle voit successivement s’opposer Dieu et le monde ; dans le monde le soleil et les planètes ; dans chaque

  1. Voyez la Physique de Rodig, p. 106, Leipsig. 1801 ; et la page 169 du deuxième tome de Telliamed, ainsi qu’une infinité de nouveaux ouvrages allemands. M. de Lamarck est celui qui a développé dans ces derniers temps ce système en France avec le plus de suite et la sagacité la plus soutenue dans son Hydrogéologie et dans sa Philosophie zoologique.
  2. Feu M. Palrin a mis beaucoup d’esprit à soutenir ces idées fantastiques dans plusieurs articles du nouveau Dictionnaire d’Histoire naturelle.