Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/54

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Pline[1] ; ainsi le taureau Carnivore n’est peut-être qu’un rhinocéros à deux cornes dénaturé. M. de Weltheim prétend bien que les fourmis aurifères d’Hérodote sont des corsacs.

L’un des plus fameux, parmi ces animaux des anciens, c’est la licorne. On s’est obstiné jusqu’à nos jours à la chercher, ou du moins à chercher des argumens pour en soutenir l’existence. Trois animaux sont fréquemment mentionnés chez les anciens comme n’ayant qu’une corne au milieu du front. L’orix d’Afrique, qui a en même temps le pied fourchu, le poil à contre-sens[2], une grande taille, comparable à celle du bœuf[3] ou même du rhinocéros[4], et que l’on s’accorde à rapprocher des cerfs et des chèvres pour la forme[5] ; l'âne des Indes, qui est solipède, et le monoceros proprement dit, dont les pieds sont tantôt comparés à ceux du lion[6], tantôt à ceux de l’éléphant[7], qui est par conséquent censé fissipède. Le cheval[8] et le bœuf unicorne se rapportent l’un et l’autre, sans doute, à l’âne des Indes, car le bœuf même est donné comme solipède[9]. Je le demande ; si ces animaux existaient comme espèces distinctes, n’en aurions-nous pas au moins les cornes dans nos cabinets ? Et quelles cornes impaires y possédons-nous, si ce n’est celle du rhinocéros et du narval ?

Comment, après cela, s’en rapporter à des figures grossières tracées par des sauvages sur des rochers[10] ? Ne sachant pas la perspective, et voulant représenter une antilope à cornes droites de profil, ils n’auront pu lui donner qu’une corne, et voilà sur-le--

  1. Il ne change pas de sexe ; mais il a au périnée un orifice qui a pu le faire croire hermaphrodite.
  2. Arist., Anim., II, I, III, I ; Plin., XI, 46.
  3. Hérod IV, 192.
  4. Oppien, Cyneg., II, vers. 551.
  5. Plin., VIII, 53.
  6. Philostorge, III, II.
  7. Plin., VIII, 21.
  8. Onésicrite, ap. Strab., lib. XV ; Ælian, Anim., XIII, 42.
  9. Plin., VIII, 31.
  10. Barrow, Voyage au Cap, trad. fr., II, 178.