Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auraient-ils échappé à ces peuplades errantes qui parcourent sans cesse le pays dans tous les sens, et qui reconnaissent elles-mêmes qu’ils n’y existent plus, puisqu’elles ont imaginé une fable sur leur destruction, disant qu’ils furent tués par le Grand-Esprit, pour les empêcher d’anéantir la race humaine ? Mais on voit que cette fable a été occasionée par la découverte des os, comme celle des habitans de la Sibérie sur leur mammouth, qu’ils prétendent vivre sous terre à Sa manière des taupes ; et comme toutes celles des anciens sur les tombeaux de géans qu’ils plaçaient partout où l’on trouvait des os d’éléphans.

Ainsi l’on peut bien croire que si, comme nous le dirons tout à l’heure, aucune des grandes espèces de quadrupèdes aujourd’hui enfouies dans les couches pierreuses régulières, ne s’est trouvée semblable aux espèces vivantes que l’on connaît, ce n’est pas l’effet d’un simple hasard, ni parce que précisément ces espèces, dont on n’a que les os fossiles, sont cachées dans les déserts, et ont échappé jusqu’ici à tous les voyageurs : l’on doit au contraire regarder ce phénomène comme tenant à des causes générales, et son étude comme l’une des plus propres à nous faire remonter à la nature de ces causes.

Les os fossiles de quadrupèdes sont difficiles à déterminerMais si cette étude est plus satisfaisante par ses résultats que celle des autres restes d’animaux fossiles, elle est aussi hérissée de difficultés beaucoup plus nombreuses. Les coquilles fossiles se présentent pour l’ordinaire dans leur entier, et avec tous les caractères qui peuvent les faire rapprocher de leurs analogues dans les collections ou dans les ouvrages des naturalistes ; les poissons même offrent leur squelette plus ou moins entier ; on y distingue presque toujours la forme générale de leur corps, et le plus souvent leurs caractères génériques et spécifiques qui se tirent de leurs parties solides. Dans les quadrupèdes au contraire, quand on rencontrerait le squelette entier, on aurait de la peine à y appliquer des caractères tirés, pour la plupart, des poils, des couleurs, et d’autres marques qui s’évanouissent avant l’incrustation ; et même il est infiniment rare de trouver un squelette fossile un peu complet ; des os isolés, et jetés pêle-mêle, presque