Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/59

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toujours brisés et réduits à des fragmens, voilà tout ce que nos couches nous fournissent dans cette classe, et la seule ressource du naturaliste. Aussi peut-on dire que la plupart des observateurs, effrayés de ces difficultés, ont passé légèrement sur les os fossiles de quadrupèdes ; les ont classés d’une manière vague, d’après des ressemblances superficielles, ou n’ont pas même hasardé de leur donner un nom, en sorte que cette partie de l’histoire des fossiles, la plus importante et la plus instructive de toutes, est aussi de toutes la moins cultivée[1].

Principe de cette détermination Heureusement l’anatomie comparée possédait un principe qui, bien développé, était capable de faire évanouir tous les embarras : c’était celui de la corrélation des formes dans les êtres organisés, au moyen duquel chaque sorte d’être pourrait, à la rigueur, être reconnue par chaque fragment de chacune de ses parties. Tout être organisé forme un ensemble, un système unique et clos, dont les parties se correspondent mutuellement, et concourent à la même action définitive par une réaction réciproque. Aucune de ces parties ne peut changer sans que les autres changent aussi ; et par conséquent chacune d’elles, prise séparément, indique et donne toutes les autres.

Ainsi, comme je l’ai dit ailleurs, si les intestins d’un animal sont organisés de manière à ne digérer que de la chair et de la chair récente, il faut aussi que ses mâchoires soient construites pour dévorer une proie ; ses griffes pour la saisir et la déchirer ; ses dents pour la couper et la diviser ; le système entier de ses organes du mouvement pour la poursuivre et pour l’atteindre ; ses organes des sens pour l’apercevoir de loin ; il faut même que la nature ait placé dans son cerveau l’instinct nécessaire pour savoir se cacher et tendre des pièges à ses

  1. Je ne prétends point par cette remarque, ainsi que je l’ai déjà dit plus haut, diminuer le mérite des observations de MM. Camper, Pallas, Blumenbach, Sœmmering, Merk, Faujas, Rosenmuller, Home, etc. ; mais leurs travaux estimables, qui m’ont été fort utiles, et que je cite partout, ne sont que partiels, et plusieurs de ces travaux n’ont été publiés que depuis les premières éditions de ce discours.