aient une cause suffisante ; mais comme nous ne la connaissons pas,
nous devons suppléer au défaut de la théorie par le moyen de l’observation ;
elle nous sert à établir des lois empyriques qui deviennent
presque aussi certaines que les lois rationnelles, quand elles reposent
sur des observations assez répétées ; en sorte qu’aujourd’hui, quelqu’un
qui voit seulement la piste d’un pied fourchu, peut en conclure que
l’animal qui a laissé cette empreinte ruminait ; et cette conclusion est
tout aussi certaine qu’aucune autre en physique ou en morale. Cette
seule piste donne donc à celui qui l’observe, et la forme des dents,
et la forme des mâchoires, et la forme des vertèbres, et la forme de
tous les os des jambes, des cuisses, des épaules et du bassin de l’animal
qui vient de passer. C’est une marque plus sûre que toutes
celles de Zadig.
Qu’il y ait cependant des raisons secrètes de tous ces rapports,
c’est ce que l’observation même fait entrevoir indépendamment de
la philosophie générale.
En effet, quand on forme un tableau de ces rapports, on y remarque
non seulement une consistance spécifique, si l’on peut s’exprimer
ainsi, entre telle forme de tel organe et telle autre forme d’un
organe différent ; mais l’on aperçoit aussi une constance classique
et une gradation correspondante dans le développement de ces deux
organes, qui montrent, presque aussi bien qu’un raisonnement effectif,
leur influence mutuelle.
Par exemple, le système dentaire des animaux à sabot, non ruminans, est en général plus parfait que celui des animaux à pieds fourchus ou ruminans, parce que les premiers ont des incisives ou des canines, et presque toujours des unes et des autres aux deux mâchoires ; et la structure de leur pied est en général plus compliquée, parce qu’ils ont plus de doigts, ou des ongles qui enveloppent moins les phalanges, ou plus d’os distincts au métacarpe et au métatarse, ou des os du tarse plus nombreux, ou un péroné plus distinct du tibia, ou bien enfin parce qu’ils réunissent souvent toutes ces circonstances. Il est impossible de donner des raisons de ces rapports ; mais ce qui prouve qu’ils ne sont point l’effet du hasard, c’est