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que toutes les fois qu’un animal à pied fourchu montre dans l’arrangement de ses dents, quelque tendance à se rapprocher des animaux dont nous parlons, il montre aussi une tendance semblable dans l’arrangement de ses pieds. Ainsi les chameaux qui ont des canines, et même deux ou quatre incisives à la mâchoire supérieure, ont un os de plus au tarse, parce que leur scaphoïde n’est pas soudé au cuboïde, et des ongles très-petits, avec des phalanges onguéales correspondantes. Les chevrotains, dont les canines sont très-développées, ont un péroné distinct tout le long de leur tibia, tandis que les autres pieds fourchus n’ont pour tout péroné qu’un petit os articulé au bas du tibia. Il y a donc une harmonie constante entre deux organes en apparence fort étrangers l’un à l’autre ; et les gradations de leurs formes se correspondent sans interruption, même dans les cas où nous ne pouvons rendre raison de leurs rapports.

Or, en adoptant ainsi la méthode de l’observation comme un moyen supplémentaire quand la théorie nous abandonne, on arrive à des détails faits pour étonner. La moindre facette d’os, la moindre apophyse ont un caractère déterminé, relatif à la classe, à l’ordre, au genre et à l’espèce auxquels elles appartiennent, au point que toutes les fois que l’on a seulement une extrémité d’os bien conservée, on peut, avec de l’application, et en s’aidant avec un peu d’adresse de l’analogie et de la comparaison effective, déterminer toutes ces choses aussi sûrement que si l’on possédait l’animal entier. J’ai fait bien des fois l’expérience de cette méthode sur des portions d’animaux connus, avant d’y mettre entièrement ma confiance pour les fossiles ; mais elle a toujours eu des succès si infaillibles, que je n’ai plus aucun doute sur la certitude des résultats qu’elle m’a donnés.

Il est vrai que j’ai joui de tous les secours qui pouvaient m'être nécessaires, et que ma position heureuse et une recherche assidue pendant près de trente ans m’ont procuré des squelettes de tous les genres et sous-genres de quadrupèdes, et même de beaucoup d’espèces dans certains genres, et de plusieurs individus dans quelques espèces. Avec de tels moyens il m’a été aisé de multiplier mes com-