Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/83

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Delta a paru[1]. Aristote fait déjà observer qu’Homère parle de Thèbes comme si elle eût été seule en Égypte, et ne parle aucunement de Memphis[2]. Les bouches canopique et pelusiaque étaient autrefois les principales, et la côte s’étendait en ligne droite de l’une à l’autre ; elle paraît encore ainsi dans les cartes de Ptolomée ; depuis lors l’eau s’est jetée dans les bouches bolbitine et phatnitique ; c’est à leurs issues que se sont formés les plus grands atterrissemens qui ont donné à la côte un contour demi-circulaire. Les villes de Rosette et de Damiette, bâties au bord de la mer sur ces bouches, il y a moins de mille ans, en sont aujourd’hui à deux lieues. Selon Demaillet, il n’aurait fallu que vingt-six ans pour prolonger d’une demi-lieue un cap en avant de Rosette[3].

L’évacuation du sol de l'Égypte s’opère en même temps que cette extension de sa surface, et le fond du lit du fleuve s’élève dans la même proportion que les plaines adjacentes, ce qui fait que chaque siècle l’inondation dépasse de beaucoup les marques qu’elle a laissées dans les siècles précédens. Selon Hérodote, un espace de neuf cents ans avait suffi pour établir une différence de niveau de sept à huit coudées[4]. A Eléphantine, l’inondation surmonte aujourd’hui de sept pieds les plus grandes hauteurs qu’elle atteignait sous Septime-Sévère, au commencement du troisième siècle. Au Caire, pour qu’elle soit jugée suffisante aux arrosemens, elle doit dépasser de trois pieds et demi la hauteur qui était nécessaire au neuvième siècle. Les monumens antiques de cette terre célèbre sont tous plus ou moins enfouis par leur base. Le limon amené par le fleuve couvre même de plusieurs pieds les monticules factices sur lesquels reposent les anciennes villes[5].

  1. Hérod. Euterpe, V et XV.
  2. Arist., Meteor., lib. 1, cap. XIV.
  3. Demaillet. Description de l'Égypte, pag. 102 et 103.
  4. Hérod. Euterpe, XIII.
  5. Voyez les Observations sur la vallée d'Égypte et sur l’exhaussement séculaire du sol qui la recouvre, par M. Girard (grand ouvr. sur l'Égypte, ét. mod. Mém., tome 11, page 343). Sur quoi nous ferons encore remarquer que Dolomieu, Shaw, et d’autres auteurs respec-