Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/84

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Le Delta du Rhône n’est pas moins remarquable par ses accroissemens. Astruc en donne le détail dans son Histoire naturelle du Languedoc ; et, par une comparaison soignée des descriptions de Mêla, de Strabon et de Pline, avec l’état des lieux au commencement du dix-huitième siècle, il prouve, en s’appuyant de plusieurs écrivains du moyen âge, que les bras du Rhône se sont allongés de trois lieues depuis dix-huit cents ans ; que des atterrissemens semblables se sont faits à l’ouest du Rhône, et que nombre d’endroits, situés encore il y a six et huit cents ans au bord de la mer ou des étangs, sont aujourd’hui à plusieurs milles dans la terre ferme.

Chacun peut apprendre, en Hollande et en Italie, avec quelle rapidité le Rhin, le Pô, l’Arno, aujourd’hui qu’ils sont ceints par des digues, élèvent leur fond ; combien leur embouchure avance dans la mer en formant de longs promontoires à ses côtés, et juger par ces faits du peu de siècles que ces fleuves ont employés pour déposer les plaines basses qu’ils traversent maintenant.

Beaucoup de villes qui, à des époques, bien connues de l’histoire, étaient des ports de mer florissans, sont aujourd’hui à quelques lieues dans les terres ; plusieurs même ont été ruinées par suite de ce changement de position. Venise a peine à maintenir les lagunes qui la séparent du continent ; et, malgré tous ses efforts, elle sera inévitablement un jour liée à la terre ferme[1].

On sait, par le témoignage de Strabon, que, du temps d’Auguste, Ravenne était dans les lagunes comme y est aujourd’hui Venise ; et à présent Ravenne est à une lieue du rivage. Spina avait été fondée au bord de la mer par les Grecs, et, dès le temps de Strabon, elle en était à quatre-vingt-dix stades : aujourd’hui elle est détruite. Adria en Lombardie, qui avait donné son nom à la mer, dont elle était,

    tables, estimaient ces élévations séculaires beaucoup plus haut que M. Girard. Il est fâcheux que nulle part on n’ait essayé d’examiner quelle épaisseur ont ces terrains au-dessus du sot primitif, au-dessus du roc naturel.

  1. Voyez le Mémoire de M. Forfait, sur les lagunes de Venise. (Mém. de la Classe physique de l’Institut, tome V, page 213.)