Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/17

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la hauteur ; c’est la plaine liquide qui fait sommet et domine. La cigogne claquetant bruyamment avec ses petits au plus haut des pignons, peut bien sentir que son nid est là à l’abri des intrus ; mais la grenouille coassant dans les roseaux voisins est quelquefois plus près qu’elle des étoiles. Les araignées d’eau circulent au-dessus des hirondelles de cheminées, et les saules pleureurs semblent pencher la tête par pure honte de ne pouvoir monter aussi haut que les roseaux d’à-côté.

On voit partout des fossés, des rivières, des étangs et des lacs. Élevés mais non à sec, ils miroitent au soleil au centre même des quartiers les plus affairés et les plus bruyants, et dédaignent les champs monotones et humides qui s’étendent non loin d’eux. On est tenté de se demander lequel des deux est la Hollande : « La terre ou l’eau. »

La verdure elle-même qui devrait se borner à pousser en terre ferme, s’est trompée en disputant les étangs aux poissons. En un mot, le pays tout entier est une espèce d’éponge toujours saturée d’eau, ou, comme l’appelle le poëte anglais Butler :

« Une terre à cheval sur une ancre, amarrée comme un vaisseau, où l’on ne demeure pas, mais où l’on monte à bord. »

Il y a des gens qui naissent, vivent, meurent et ont même leurs jardins sur des barques. Des fermes bâties sur pilotis, abritées sous des toits qui ressemblent à des chapeaux à larges bords abaissés sur les yeux, se tiennent debout sur leurs jambes de bois avec l’air de gens qui ramassent leurs vêtements autour d’eux comme pour dire : « Nous sommes décidés à ne pas nous mouiller les jambes, si c’est possible. » Les chevaux eux-mêmes, ferrés à glace en toute saison, ont dans les crampons de leurs fers des sortes de talons qui les préservent un peu de la boue. Le paysage donne l’idée d’un paradis de canards. C’est un pays splendide l’été