Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/285

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le lui renvoyer. Vous la ramènerez à sa place, il n’y aura de dommage pour personne. »

« Je l’ai donc conduit sept ou huit milles plus loin, à peu près. Pendant le trajet il n’avait pas prononcé un mot, il n’avait pas fait un geste ; c’eût été à croire qu’il s’était changé en statue, si en arrivant près de la rive il ne m’avait fait signe d’arrêter en me disant qu’il pouvait franchir à pied la distance qui le séparait de la mer. J’avais hâte de ramener le bateau, de retourner au travail et de ne plus penser à lui. J’abordai donc aussitôt. Avant de me quitter, il me dit en sanglotant :

« Je ne suis pas un criminel, Dieu le sait. Mais j’ai été la cause de la mort d’un homme. Il faut que je me sauve. Il faut que je quitte à jamais mon pays… »

— Mais qu’est-ce qu’il avait fait, Raff ? Vous l’a-t-il dit ? Avait-il tiré sur un camarade, comme ils font souvent là-bas, à l’université ?

— Il ne s’est pas expliqué davantage. Je lui ai répondu que ce ne serait pas le fait d’un bon Hollandais comme moi de désobéir aux lois de mon pays en aidant un coupable à s’échapper. Il m’affirma alors son innocence, Mietje, prenant Dieu à témoin d’une voix si ferme que je crus à sa parole. Oui, il me parut, à la lumière des étoiles, aussi pur, aussi innocent que pouvait l’être notre petit Hans ; de sorte que je n’eus point de remords du service que je venais de lui rendre.

— Mais le bateau qui t’a servi cette nuit-là, Raff, ce devait être le bateau de Jean Kamphuisen, dit dame Brinker, il n’y a que lui pour laisser ainsi ses rames à l’abandon.

— Oui sûrement, c’était celui de Jean. Il viendra me voir dimanche, bien sûr, n’est-ce pas, femme, s’il a entendu parler de ma guérison, et le jeune Hoogvliet aussi ? »

Heureusement que dame Brinker se retint de parler de